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Alger/Anderlecht : deux abattoirs en ville

Alger-Bruxelles / Le Ruisseau – Cureghem

Aujourd’hui, les abattoirs encore en fonctionnement en plein centre ville se comptent certainement sur les doigts de la main. Celui de Cureghem (Région bruxelloise) et celui du Ruisseau (Wilaya d’Alger) partagent-ils une histoire et une situation comparable dans leurs villes respectives? Une histoire d’abattoir en ville racontée par une rencontre avec Hassen Ferhani, réalisateur de « Dans la tête un rond-point (2015), documentaire qui installe sa narration dans l’abattoir du Ruisseau et et Lamine Ammar-Khodja, réalisateur d’un autre documentaire « Bla Cinéma » (2015), tous deux de passage à Bruxelles l’hiver dernier. 

Pour peu que leur architecture en valent la peine, la plupart des abattoirs construits avant la deuxième guerre mondiale ont été reconvertis en équipements culturels ou artistiques. La Villette à Paris, les abattoirs du Testaccio à Rome, les abattoirs de Casablanca, de Lyon, de Mons, de Namur, de Toulouse accueillent aujourd’hui de nombreux visiteurs de musées, amateurs de musique ou de théâtre…

« Dans la tête un rond-point » de Hassen Ferhani nous a fait découvrir l’abattoir du Ruisseau – situé dans un quartier anciennement industriel d’Alger (Kouba pour moi c’est Hussein Dey et Kouba est au-dessus/Hussein Dey). Nous avons rencontré Hassen Ferhan, son réalisateur et Lamine Ammar-Khodja (Bla Cinema) de leur passage à Bruxelles à l’occasion d’une programmation de cinéma Algérien (Filmer à Tout Prix, Nova et Petit Ciné). Le documentaire de Ferhani nous installe dans l’intimité du lieu, de ses travailleurs, dans une espèce de respiration très lente, celle d’un travail demeuré très artisanal et qui permet à ses acteurs de réserver du temps à la poésie.

Cureghem et « le Ruisseau », séparés par la Méditerranée mais tous deux inclus dans le tissu urbain, partagent-ils une histoire et une situation comparable dans leurs villes respectives? 

Comment Hassen Ferhani a-t-il filmé les abattoirs qui, à Alger sont apparemment, autant des lieux de travail que des lieux de vie? 

Filmer un abattoir 

Cataline Sénéchal : Pourriez-vous me décrire l’abattoir que vous avez filmé? Sa place dans la ville d’Alger? Ses connections à la ville?

Hassen Ferhani (H. F.): Il est situé dans la proche périphérie du centre. Alger comporte trois grands Oueds (vallons /rivières). Il est sur l’oued Kniss dans le quartier du Ruisseau. Fin du XIXe siècles, les usines s’y sont construites parce qu’il y avait de l’eau. C’est là aussi qu’était installée la fabrique de monnaies – et c’est encore le cas aujourd’hui. Il y avait le Mont de Piété, parce qu’on devait y laver le linge, et les abattoirs. 

Lamine AMMAR-KHODJA (L.A.-K.): Et la mer est tout à côté, donc, tout se déversait dedans. 

H. F.  : C’est donc le vieux quartier prolétaire d’Alger. Aujourd’hui, ces usines ont presque toutes disparues. Il ne reste que l’abattoir.

Lamine AMMAR-KHODJA : A l’époque coloniale, c’était le début de la banlieue ouvrière, avec celle de El Harrash. 

(Cataline Sénéchal) L’abattoir est donc toujours en fonction? 

H. F. : Oui. C’est toujours un abattoir. 

Dans plusieurs articles écrits à l’occasion de la sortie de ton film, j’avais pourtant  lu qu’il était fermé ou allait fermer. 

H .F. : Oui, mais il est encore là.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de le filmer ?

H. F. :  Je suis du quartier, je suis né pas très loin, je connais le lieu depuis tout petit. Ensuite, j’avais envie de faire un film avec des ouvriers. Il y a très peu de films qui s’intéressent au milieu ouvrier en Algérie. Après, ce fut la rencontre avec des hommes, avec un lieu, avec un parcours et l’envie de faire du cinéma. La somme de plusieurs raisons, donc. 

Et les menaces de fermeture? 

H. F.: Oui, elles ont joué mais plus indirectement. En réalité, cela fait dix ans qu’on nous parle de la destruction des abattoirs. Le terrain est destiné à la construction d’une nouvelle Assemblée nationale à leur place. Entre temps, la Ministre de la Culture, avec l’aide de quelques artistes…

L. A-K. : …a tenté de le faire classer « monument de l’Unesco » pour récupérer le lieu et en faire des friches culturelles et artistiques. 

H. F. : Sauf que la procédure de classement a été annulée en raison du décret qui avait attribué le terrain à l’Assemblée nationale. Tu sais, lorsque quelqu’un a envie de récupérer un lieu, il peut utiliser la force mais aussi un autre outil: l’oubli. Dire que ce lieu n’existe pas. Pour les abattoirs, une rumeur est partie : « ce lieu n’existe pas ». Et la Ministre, elle-même ne savait pas qu’ils existaient encore. Or, l’activité est continue, les ouvriers continuent à travailler. Rien ne s’est jamais arrêté. Il y a comme eu une vague de rumeurs et les artistes ont signé la demande de classement. Moi pas. Et je me suis demandé : savent-ils seulement qu’il y a des gens qui travaillent là? Ils veulent démolir…

L. A-K.: …alors qu’il y a des gens qui nourrissent des familles grâce à ce travail. 

Filmer le travail  

Combien de temps êtes-vous restés aux abattoirs? 

H. F. : Deux mois et demi. Soixante heures de rush. 

Au bout de deux mois et demi, vous faisiez partie des murs… 

H. F. : Non! Je rejette cette phrase. Si tu fais partie des murs, tu deviens insignifiant, tu es insignifiant. Il y a quelque chose qui doit se jouer entre le filmé et le filmeur, entre l’auteur et la caméra.  Il y a quelque chose qui se joue dans cet espace. 

Dans les films qui se tournent dans les abattoirs européens, on voit rarement les hommes en entier. Souvent la camera se focalise sur leurs gestes, leurs mains. On voit aussi rarement l’animal en entier. Dans ton film, c’est le contraire. Il laisse par voir par exemple une longue séquence sur la mort d’un animal. 

H. F. : En Europe, j’ai remarqué quelque chose de l’ordre de la fascination pour le travail en abattoir ou en boucherie. Dans mon film, la fascination se porte plutôt sur la poésie, sur les réflexions. On voit le travail mais il arrive en deuxième lieu. Je peux comprendre la démarche des autres réalisateurs avec un regard sur la répétition dans les films sur les abattoirs en France. Là, sur les chaines d’abattage, tous les gestes sont calculés.  En Algérie, c’est différent. Chaque bête…

L. A.-K. : …est une entité à part entière. 

H. F. : …avec son histoire. Elle vient de….

L. A.-K. : …de Gda, Smeira. C’est pas uniformisé. Les gens ont un rapport avec elle. L’homme abat une bête, il se retire après. Tu as l’impression qu’il se recueille. Il lui accorde du temps. On est pas la temporalité des abattoirs modernes, à l’européenne, où le temps compte énormément, car il faut en abattre le maximum en un minimum de temps.  A l’abattoir du Ruisseau, l’abatteur sait qu’il n’y aura trois bêtes à abattre, pas plus. Lui, il a toute la soirée. Il va prendre son temps. Il va travailler la chose à sa manière, selon son métier. Le travail n’est pas aussi mécanisé. 

Du coup, vos images ont une profondeur de champ qu’on ne retrouve pas forcément dans les documentaires sur les abattoirs en Europe.  

H. F. : Oui… c’est filmé autrement. Je m’intéresse aux moments d’entre-d’eux. Je ne me fixe pas sur le  moment de l’abattage mais sur les moments de répit entre deux bêtes, ces moments où les ouvriers se livrent, où ça discute. 

Parce que ces moments-là existent. Dans les abattoirs industriels, ce n’est plus le cas. 

H. F. : Oui, là-bas, leurs pauses sont calculés à la seconde près. 

Filmer un lieu de vie 

Dans votre film, il y a cette scène, avec le boeuf, tiré par une corde.

L. A.-K.: la scène du match de foot?

Oui. L’abattoir a l’air d’être un lieu où les gens habitent. Vous présentez quelques personnages qui ont l’air d’être installés-là.

H. F. : C’est  parce qu’ils vivent tous là. Les protagonistes du film vivent tous à l’intérieur de l’abattoir.  

Donc, il y a une dizaine de personnes qui habitent à l’abattoir?

H. F. : Plus, bien plus. Une cinquantaine, cent personnes. Je ne peux pas chiffrer ça…

L. A.-K. : Il est impossible de donner un chiffre car il y a des allées et venues, mais il y a plus de cinquante personnes qui habitent sur place. 

Tous des hommes seuls ? Il y a aussi des familles? 

H. F. : Des hommes. Ils vivent tout seuls. Certains sont mariés mais ils sont là, seuls. La particularité de cet abattoir, c’est que les ouvriers viennent surtout de l’intérieur du pays, ce sont rarement des gens d’Alger. Il viennent de plus de 500 km, de l’Est, de l’Ouest. Depuis des générations, le métier s’est transmis. Pour ne pas s’embêter à retourner chez eux, car c’est très compliqué, pour ne pas louer des appart’s, car c’est trop cher, ils ont squatté des anciennes écuries. 

L. A.K. : Beaucoup sont originaires de Setif. C’est une grande ville où il y a une tradition de travailleurs de la viande.

Cet abattoir appartient à la ville d’Alger. L’installation des ouvriers pose-t-elle problème à la Wilaya? 

H. F. : Elle laisse faire car comme je te l’ai dit plus tôt, ce lieu est voué à disparaître.

L. A.-K. : Ils ne veulent pas le reconnaître comme lieu.  

C’est une occupation tolérée?

L. A.-K. : C’est ça. 

H. F. : Le bâtiment appartient à la préfecture. Les carrés (d’abattage) sont gérés par des privés. Généralement, ce sont de vieilles familles. Chaque carré représente une vingtaine de crochets, à peu près. Ils le louent pour pas grand chose à l’Etat. Ils font bosser des égorgeurs, des dépeceurs. Ce sont des privés qui bossent pour des privés.  La marchandise est mise en frigo et le lendemain, elle est vendue au marché. Et là, le particulier, le boucher, le grossiste vient acheter la viande. 

L. A.-K. : Il y a plein de gens du quartier qui viennent aussi faire leurs courses de viande le matin directement sans passer par un boucher.

Comment le métier de la viande est-il perçu par les algérois? 

A. F. : Comme un métier comme un autre. Peut-être que ce n’était pas le cas avant. Mais aujourd’hui, ça a changé. Aujourd’hui,  il y  a pas mal de monde qui aurait envie de marier sa fille à un boucher. 

L. A.-K. : Le métier est accepté. Il n’est pas méprisé. À l’abattoir, tu apprends un métier. J’ai été fasciné par l’idée que les gens apprennent des métiers différents d’une année à l’autre. Et dès qu’ils maîtrisent plusieurs métiers, ils peuvent aspirer à ouvrir leur commerce. Ils prennent de la viande de là-bas pour la vendre ailleurs. Il y a comme un système de débrouillardise : dès que tu as assez de contacts,  dès que tu te mets à connaitre  tout le monde et à maitriser assez des métiers, tu peux te frayer un chemin. Tu peux tracer ta route.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les abattoirs du Ruisseau ont été conçus et inaugurés en 1928 par l’administration coloniale française dans le quartier industriel d’Hussein Dey (aussi proche de la manufacture de Tabac transformée en école de la gendarmerie)  en remplacement d’un autre bâtiment considéré comme trop près du centre. Situé à la confluence des quartiers de Kouba et Hussein Dey, sa configuration est semblable aux anciens abattoirs de Rome (1888 – 1975) – peut-être parce que son architecte Jean Bevia (1873-1934), formé à l’École des beaux-arts d’Alger, architecte du Gouvernement général de l’Algérie, était aussi passionné de culture latine et a enseigné à l’École d’art industriel de Mustapha. Il s’agit d’une organisation en pavillons, disposés de plain-pied, avec des salles de découpe, d’abattage (carré) et d’étables organisés autour d’une cour centrale. Promis à la démolition, il nourrit et abrite les gens qui y travaillent et ceux qui y achètent de la viande. Toutefois, il existe en dehors de tout investissement par son actuel propriétaire et gestionnaire, la Wilaya (département) d’Alger.  Et il y a peu, la Ministre de la Culture a tenté une procédure de classement pour en faire une friche culturelle et artistique. Selon Hassen Ferhani, « Lorsque quelqu’un a envie de récupérer un lieu, il peut utiliser la force mais aussi une autre forme de pouvoir, l’oubli. Dire que ce lieu n’existe pas. » Et cela semble le cas de l’abattoir du Ruisseau. Pourquoi? Parce que depuis de longues années, Alger souhaite y  installer l’Assemblée populaire nationale, le Congrès, une bibliothèque, une mosquée sur une large esplanade dont le parvis se prolongerait par une marina. Leur destruction a été approuvée par le gouvernement en 2011. Le projet a été confié au Bureau Architecture Méditerranée, bureau composé d’architectes français.  Il fait partie du Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) de la Wilaya d’Alger. Après avoir feuilletté la documentation, on aura tendance à dire que l’aménagement des villes, d’un côté ou de l’autre de la Méditerranée, semble employer invariablement les mêmes recettes : aménagements en promenade des côtes débarrassées des activités portuaire, installation de pôles administratifs et culturels dans les anciens quartiers industriels et destruction de l’habitat populaire.  À Alger, les pouvoirs publics algériens abattent progressivement les bâtisses anciennes des abords directs de l’abattoir. En février 2018, plus de 200 familles ont ainsi dû partir du quartier. La moitié aurait été relogée dans des logements sociaux (Alger possède un parc élevé). Et les autres familles? 




1983 : la reprise des abattoirs

Abattoirs privés en 1890, communaux dès 1920 et en faillite en 1982. L’histoire des abattoirs d’Anderlecht aurait pu tenir en trois dates s’ils n’avaient pas été repris par cent-cinquante personnes, toutes actives professionnellement dans le quartier de Cureghem. Rencontre avec Carlos Blancke, un des « tireurs de charrette » ! 

Dans les années quatre-vingt, de nombreuses communes ferment ou revendent leurs abattoirs en raison essentiellement, des coûts nécessaires à leurs mises aux normes européennes. Ainsi en 1986, la Belgique comptait encore 66 abattoirs publics dont 29 en Wallonie pour 4 aujourd’hui et à notre connaissance, aucun en Flandre (Aubel, Gedinne, Arth et Virton) (1)  

Carlos Blancke (1928-2016) fut une  » tireur de charrette » de la reprise. Lui et une grosse dizaine d’autres  » personnes fort intéressées à la continuation de l’abattoir  » se sont constituées en société anonyme et ont incité d’autres actionnaires, surtout issus du quartier, à les rejoindre.

Forum Abattoir a rencontré Carlos quelques mois avant son décès en 2016, accompagné de ses enfants Mieke et Luc Blancke, également très actifs à l’époque. Retour sur un petit bout de la longue histoire de l’abattoir :

Cataline Sénéchal – Forum Abattoir  : En 82, la commune annonce la fermeture de l’abattoir. Pourquoi tant de gens se sont rassemblés pour le reprendre? 

Il s’agissait de leur gagne-pain. Plus cinq ou six cent  personnes y travaillaient. Pour la plupart, la fermeture de l’abattoir aurait été un handicap. Nous avons pris les chiffres du dernier bilan de l’abattoir communal. Il perdait cent millions par an. Ce n’était pas possible pour eux de continuer ainsi. Et cela ne faisait qu’augmenter. Je suis alors allé voir le bourgmestre, Simonet, le père,  pour lui proposer une reprise. Il m’a répondu « Bien oui, pourquoi pas ». La commune avait déjà cherché à privatiser mais elle n’était pas raisonnable dans le prix demandé! Elle demandait beaucoup trop d’argent pour une firme qui était en perte chaque année. Avec moi, il y avait M. Geeroms, M. Cornélis, Mme de Cooman, – nous étions une bonne dizaine de gens forts intéressés à la continuation de l’abattoir. Tout ça a marché parfaitement bien parce que « les importants de l’abattoir – comme Henri Geeroms et Arnold Cornelis, tout deux malheureusement morts maintenant, tout ces gens avaient un impact certain sur beaucoup de commerçants. Geeroms achetait  les peaux et Cornelis, les carcasses.

Mieke Blancke (Mieke) : Il y avait aussi Emile Verhasselt ! Pour le gros bétail.

Il habitait à Anderlecht? 

Luc Blancke : Non, Koelkelberg. 

Mieke: Cornélis, lui habitait à Anderlecht. 

Et vous vous connaissiez avant? 

Carlos : Nous nous connaissions tous, mais de loin. Cornélis était abatteur de porc. Geeroms avait un commerce de peau, il rachetait les peaux et les traitait, avec du sel. Il était dans le comité de direction, chaque fois qu’il rentrait, il disait « Arff, j’ai de nouveau une histoire, vous voulez que je la raconte. Et, il avait, souvent, une bonne histoire. Son fils a continué, puis, il a remis l’affaire à ses deux fils. Oui, il y a avait aussi, Paul Wijnans, c’était un homme dynamique. 

Mieke : Il est devenu responsable du marché par après. 

Du marché généraliste? 

Luc: Des deux, le marché généraliste et le marché aux bestiaux. 

Mieke: Il a fermé sa boucherie pour s’en occuper.

Carlos :  Il y avait aussi Hyllebroeck, qui était échevin des abattoirs. Il était aussi enchanté de voir, peut être, une solution. Lui, il a surtout insisté pour que la somme demandée par la commune soit un peu plus raisonnable. 

Il a facilité la reprise?

Carlos : Oui, sans lui, cela n’aurait pas été possible. Il y avait en tout cinq cent personnes intéressées par la reprise. Nous avons tenté d’obtenir des sous et ça a marché ! Surtout parce que un capital relativement bon marché.  Mais, la plupart n’aurait jamais donné 500.000 francs comme ça. En grande partie parce qu’ils ne connaissaient pas tout le monde et qu’ils ne savaient pas forcément qu’il y avait des gens sérieux parmi nous! Ils ont commencé par donner 100.000 puis, au bout de quelques mois, une seconde tranche et ainsi de suite jusqu’à atteindre les 500.000…. et d’obtenir ainsi un certain capital nécessaire au fonctionnement de l’abattoir. 

C’était pour permettre aux petits commerçants d’y entrer? 

Carlos : De continuer à travailler. L’abattoir avait perdu son cachet à l’exportation et son activité diminuait. Tout doucement, tout le monde a remarqué que c’était assez sérieux et la commune s’est dit : «  c’est peut-être possible ».  Et elle a donné son accord.

Tout le monde, à l’abattoir, avait acheté  une action.

Luc : Après, il y avait des actions de vingt mille? C’était des actions de 1000 francs. Il y avait de coupure de 500 puis, 50 et 20 non?

Carlos :  Il avait peu de gens qui ne pouvaient pas – ou qui ne voulaient pas se permettre 500.000 francs. 

Il y avait beaucoup de gens aux réunions pour organiser la reprise? 

Carlos : Oui. Parfois, on faisait ça à la Paix, s’il y avait assez de place. 

Luc : Chez « Koksje » aussi. Un ancien café. Je me souviens qu’ils changeaient souvent d’endroits.

Mieke : Oui, pour ne pas fâcher la concurrence : il fallait aller une fois là, puis une fois ailleurs. 

Les réunions se passaient seulement dans les cafés?

Carlos : Avant, il y avait toujours une réunion entre une dizaine de personnes, ceux qui « tiraient la charrette ». Lors de celles-ci, on se disait: « tiens, il faudrait pour cette question-là, la poser à tout le monde ». Et on faisait une réunion huit jours après. Et ça marchait bien car ils étaient tous d’accord avec la continuation de l’abattoir. Il faut dire que c’était souvent des gens qui n’avaient que cet emploi-là, que ce commerce-là. Ils achetaient le bétail vivant, faisaient abattre et vendaient les carcasse en quartiers aux bouchers. 


En 1982-83, la jeune société « Abatan » obtient de la commune la reprise via une convention et un bail emphytéotique à condition qu’elle « maintienne et remette aux normes les infrastructures d’abattoir ». Les travaux commencent et le nouvel abattoir répondant aux normes de l’époque est inauguré rapidement. Le marché aux bestiaux «  qui rapportait beaucoup » jusqu’au début des années 2000 a été fermé en 2008 – surtout en raison des  nouvelles normes à respecter et des frais encourus pour les rencontrer. 

Aujourd’hui, elle met toujours à disposition deux lignes d’abattage à deux entreprises : l’une pour les porcs ( SEVA), l’autre pour les bovins, ovins et caprins ( ABACO).

Demain, elle installera les activités « viandes » du site dans une nouvelle infrastructure « La Manufakture Abattoir » répondant et anticipant les normes de l’Agence Fédérale de la sécurité alimentaire (AFSCA) mais aussi en diminuant l’emprise au sol des infrastructures actuelles et libérant de l’espace pour d’autres bâtiments et activités. 

Le site se trouvera, de nouveau, à un tournant de son existence.

 




Sacrifier en ville

Conférence de Anne-Marie Brisebarre & Hocine Benkheira.

Lundi 4 décembre 2017 – CONFÉRENCE – 18h – Séminaire Caves de Cureghem – 24 rue Ropsy-Chaudron, 1070 Anderlecht. Fléché depuis Métro Clemenceau / Entrée principale dite des « taureaux ».

Entrée libre. Réservation souhaitée : info@forum-abattoir.org

&

Mardi 5 décembre 2017 – ATELIER – 10h – Curohall – 7 rue Ropsy-Chaudron, 1070 Anderlecht.

Gratuit – réservation obligatoire, places limitées, info@forum-abattoir.org

Quelle place pour le sacrifice de l’Ayd al kabîr dans un espace urbain qui cherche à le normer jusqu’à le faire disparaître ?

Hocine Benkheira, directeur d’étude à l’Ecole Pratique des Hautes Études, section des sciences religieuses, a notamment publié  Islâm et interdits alimentaires. Juguler l’animal, 2000, PUF

Anne-Marie Brisebarre, directrice de recherche émérite au CNRS – Laboratoire d’anthropologie sociale, Collège de France, « fête du mouton : un sacrifice musulman dans l’espace urbain, CNRS Éditions,   Fêter l’ayd al-kabir : enquêtes comparatives sur un rituel musulman en milieu urbain (France, Maroc, Mauritanie, Sénégal)

Durant de longues années, le site des Abattoirs d’Anderlecht a accueilli l’abattoir temporaire de la commune pour la fête de l’Ayd al kabîr. En 2014, la commune a cessé de l’organiser non pas faute de succès, au contraire… Des travailleurs  ont invoqué un manque de personnel et des motifs sanitaires consécutifs à l’affluence.

Par ailleurs, la législation impose d’abattre les animaux de boucherie avec étourdissement préalable, sauf dérogation pour motif religieux. Depuis deux-trois ans, la Flandre et la Wallonie tentent de supprimer l’exception qui profitait jusqu’alors aux cultes juifs et musulmans.

L’abattage rituel est taxé de pratique « barbare » par les uns, alors que d’autres considèrent qu’une saignée sans étourdissement dans des conditions artisanales est préférable à un abattage avec étourdissement en condition industrielle.  Enfin, le rite est très complexe et comporte des précautions qui pourraient conduire à plus de bien-être animal si elles étaient totalement rencontrées. (voir Vous avez-dit Halal).

Enfin, en août dernier, à quelques jours de la  « fête du mouton », des pratiquants ont ressenti comme stigmatisant la campagne de Gaïa présentant un mouton pleurant une larme de sang, affichée sur de nombreux abribus de la région de Bruxelles. Faute de site d’abattage temporaire, certains parviennent à se fournir dans les abattoirs agréés, d’autres préfèrent les dons financiers, et enfin certains … se débrouillent.

En 1998, Anne-Marie Brisebarre s’interrogeait  « que devient le sacrifice de l’Ayd al kabîr inséré dans une France urbaine ou l’islam se trouve en situation minoritaire et tente de trouver sa place ? (1) » Plus de vingt ans plus tard, cette question a d’autant plus d’acuité dans le contexte actuel et mérite d’être transposée à la situation belge et bruxelloise.

 

  1. Anne-Marie Brisebarre et al., La Fête du mouton. Un sacrifice musulman dans l’espace urbain, 1998, CNRS édition.



L’abattoir d’Anderlecht : les trois vies d’une exception urbaine

par Cataline Sénéchal,  Animatrice-chercheuse à Forum Abattoir.
Article paru en avril 2016 dans la Revue Uzance 4, « Heyvaert »

Introduction

C’est jour de marché à Cureghem. Chaussée de Mons, à hauteur de la station Clemenceau, un flot de caddies et de poignets lardés par des sacs plastiques forcent le passage aux voitures. Rue Ropsy-Chaudron, un boucher, une demi-carcasse de mouton à l’épaule, s’impose devant un semi-remorque porte-voitures qui amorce un virage vers la rue Heyvaert. Du vendredi au dimanche, près de 100.000 clients foulent les allées du marché généraliste. Les vendeurs font la retape en français, mais les prix se négocient aussi en anglais, en arabe, en flamand, en lingala, en roumain, etc. Ce marché a la réputation d’être l’un des moins chers de Bruxelles. Il a aussi la particularité de proposer un espace de vente très spécifique : un marché aux viandes alimenté, en partie, par l’abattoir installé sur le site depuis 125 ans.

Derrière les façades aveugles de cet édifice industriel, chaque semaine, plus de trente ouvriers tuent 400 bovins et 4000 porcs destinés à la trentaine d’ateliers de découpe qui jouxtent les lignes d’abattage mais aussi à nombreux particuliers et professionnels de Bruxelles et ses environs.

En 125 ans, le site des abattoirs et marchés de Cureghem a connu trois gestionnaires : construit en 1890 par une société anonyme, il a été racheté en 1920 par la Commune d’Anderlecht qui, après l’avoir déclaré en faillite, l’a cédé à la SA Abattoirs et Marchés d’Anderlecht en 1984. Il y a cinq ans, cette société, rebaptisée Abatan puis Abattoir, a présenté deux plans de développement et aménagement associés au concept marketing de Ventre de Bruxelles (Cabinet d’urbanisme ORG-Abattoir, 2009, 2012). Ces plans remodèlent entièrement le site : l’infrastructure de l’abattoir disparaîtrait au profit d’une grande plaine encadrée d’entrepôts urbains aux multiples fonctions : industrielles mais aussi culturelles, éducatives, événementielles voire résidentielles. Leur publication incite Terrains d’architecture-U21 (La Cambre ESA-ULB) à s’intéresser au devenir du site. L’atelier invitera des étudiants architectes à investiguer l’espace. (Brunfaut V., Vella, G., 2015). La nouvelle configuration inquiète également une fédération de comités de quartier : Inter-Environnement Bruxelles (IEB) qui titre un article du Plouf: « Et si les Abattoirs d’Anderlecht changeaient de standing ? Bruxelles a mal à son ventre. » (IEB, 2011). Abatan s’en défend et les deux parties entrent en débat…

Ainsi, en 2013, la société, IEB et une association riveraine, le Centre de Rénovation urbaine (CRU) s’associent autour d’un projet Forum Abattoir, financé par une subvention de la Loterie nationale « Alimentation durable ». Avec la mission d’animer le débat sur le devenir des abattoirs, deux animateurs-chercheurs, un architecte et moi-même, se positionnent comme une caisse de résonance des besoins des usagers du site. Dès l’étape de diagnostic, Forum Abattoir a construit sa connaissance du lieu, de son histoire et de son inscription dans le quartier sur de nombreux entretiens, des étapes de lecture, des apports d’un comité d’accompagnement, des balades in situ, l’observation des lignes d’abattage et des ateliers de grossistes.

Dans ce texte, j’ai voulu interroger un constat : Anderlecht accueille un abattoir en activité à proximité du centre d’une grande ville alors qu’en Europe ses alter ego ont fermé dès les années septante.

Pour tenter de comprendre cette « exception urbaine », j’ai souhaité l’inscrire en situation, la territorialiser, à savoir interroger ses articulations avec la ville et son quartier mais aussi avec l’histoire des abattoirs et de la perception de la consommation de la viande. A travers une démarche historique, qui distingue trois périodes : des prémisses de sa construction à son essor, des premières difficultés à sa faillite et enfin de son rachat aux projets futurs de son actuel gestionnaire, j’ai donc tenté de comprendre son inscription dans la ville.

Fig. 1. Un marché, 2015 © Fabienne Loodts, pour l’Abattoir Illustré

Fig. 1. Un marché, 2015 © Fabienne Loodts, pour l’Abattoir Illustré

 

De cinq abattoirs à un grand abattoir.

Au XIXe siècle, les États se préoccupèrent de maîtriser les villes en pleine expansion, parce que, selon Foucault, la cité d’alors n’était plus « seulement un lieu de marché mais aussi un lieu de production », le pouvoir a eu « recours à des mécanismes de régulation homogènes et cohérents. » (Foucault, 1977 : 220)

L’arrivée massive de cette main d’œuvre et l’extension des villes provoqua « ce que l’on pourrait appeler une peur urbaine, une peur de la ville, une angoisse face à la cité, très caractéristique: peur des ateliers et des fabriques qui se construisaient, de l’entassement de la population, de l’excessive hauteur des édifices, des épidémies urbaines, des rumeurs qui envahissaient la ville ; peur des cloaques, des carrières sur lesquelles on construisait les maisons qui menaçaient à tout moment de s’effondrer. » (Foucault, 1977 : 219).

Pour contrôler ce qu’il perçoit comme un grouillement, un trop-plein, le pouvoir imagine une urbanité inspirée, toujours selon Foucault, par le modèle de la quarantaine, un quadrillage des villes et des populations. Cette volonté de maîtriser de la ville présidera à la délimitation de zones résidentielles, industrielles, récréatives, à la construction de centres pénitentiaires, mais aussi de cimetières et d’abattoirs.

Alors qu’au XVIIIe, l’abattage des animaux en ville s’opérait à même la rue dans « des tueries particulières » contrôlées par de puissantes corporations de marchands et artisans bouchers, le XIXe l’exclut des centres urbains, le concentre et le déplace dans des faubourgs spécifiques. Le contrôle fiscal et sanitaire des flux – entrants, les animaux, et sortants, la viande de boucherie – pouvait ainsi s’exercer plus efficacement. (Muller, 2004). En sus, déplacer l’égorgement des animaux dans des locaux spécifiques tenait un rôle dans l’éducation morale des classes ouvrières, ces nouveaux citadins, d’origine rurale, nombreux et inquiétants : « l’important est l’idée de l’exemple : cacher la mise à mort pour n’en pas donner l’idée. Dans la présentation de sa proposition de loi, Grammont citera un épouvantable ‘fait divers’, l’histoire d’un petit garçon qui à la campagne, après avoir assisté à la saignée d’un cochon, était allé s’emparer d’un couteau et par jeu, avait fait jouer le rôle du cochon à sa petite sœur. C’est en vertu du même raisonnement psychologique que l’on pouvait penser, à une époque où les émeutes populaires accompagnées de décapitation n’étaient pas si lointaines (…), qu’en dissimulant le couteau du boucher, on contribuerait peut-être à éviter le couteau du ‘justicier ‘ de rue » (Agulhon, 1981)

Le mouvement de concentration-déplacement s’illustre parfaitement dans notre capitale : en 1830, la mise à mort se déroulait encore dans les « tueries particulières » disséminées dans les rues étroites du centre de Bruxelles. Vers le milieu du siècle, cinq communes se dotent d’un abattoir : Bruxelles-ville, Ixelles, Molenbeek, Schaerbeek et Saint-Josse. Cinquante ans plus tard, il n’en reste que deux, situés de part et d’autre de la rue Heyvaert à Cureghem : l’abattoir communal bruxellois et les Abattoirs et Marchés d’Anderlecht-Cureghem, une société privée.

A l’origine, Bruxelles-Ville souhaitait s’associer avec d’autres communes pour construire un nouvel abattoir en remplacement de celui qu’elle exploitait depuis 1841. Ses arguments étaient d’ordre sanitaire et esthétique : « Depuis longtemps déjà, l’on a discuté au point de vue de l’hygiène publique, le déplacement de l’abattoir qui dépare une des plus belles promenades de Bruxelles, de la création d’un abattoir central pour toute l’agglomération bruxelloise. »[1] L’alliance échoue (Vandemeulebroek, 1996) et c’est une société anonyme, soutenue par la Commune d’Anderlecht, qui reprend l’initiative à son compte.

Les Abattoirs et Marchés d’Anderlecht Cureghem sont inaugurés en 1890, à proximité de l’abattoir bruxellois. La nouvelle infrastructure profitera d’un système économique solide déjà lié au secteur de la viande et à l’exploitation de ses sous-produits.

Son architecte Émile Tirou se serait inspiré, pour le marché aux bestiaux, des halles de la Villette et pour les échaudoirs de l’abattoir de Liepzig : « Il avait pensé qu’une partie de la halle ferait office de gare (a priori de marchandises) et les échaudoirs (lieu d’abattage) furent construits dans un style ‘ village ‘: ils se rangeaient dans deux rangées de bâtiments, de style néo-renaissance flamand. » (Vandemeulebroek, 1984 : 223) Les ateliers d’abattage se structuraient donc depuis un axe qui traverse la halle vers l’entrée principale encadrée par deux taureaux de bronze, un axe qui se dirigeait en ligne droite vers la rue Heyvaert et la zone urbaine.

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Fig. 2. Perspective, vers 1909, © Eckert & Pflug, Abattoir SA

Un équipement moderne, un accès au réseau ferroviaire, des frigorifères, une halle de marché couverte et surtout de l’espace garantirent son succès. Ainsi, entre 1899 et 1913, le nombre d’abattage va doubler, approchant des 17 000 têtes de porcs par an.[2] En 1920, la commune d’Anderlecht reprend l’infrastructure : arguant sa rentabilité immédiate, le capital réduit à débourser au regard de la valeur des bâtiments et du terrain et les potentialités de développement d’autres marchés.[3]

A l’époque déjà, le site proposait plus qu’une zone d’abattage et de vente de bétail : il accueillait déjà un marché populaire dont celui « aux volailles et aux légumes ». La série de Hersleven[4] (1925) dessine l’ambiance. Des hommes avec casquettes, bérets et cache-poussières se pressent à l’avant du site et il est bien difficile de distinguer les vendeurs des clients. Les marchandises se chargent sur des charrettes attelées ou des camions. La rue Ropsy-Chaudron se devine à travers les grilles : des « banques », des brasseries, un exportateur,… Les ouvriers des nombreuses usines du quartier venaient y acheter leurs légumes, ci et là une volaille, se détendre dans les tavernes.

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Fig. 3. Marché aux légumes et aux volailles © J.Hersleven, vers 1925 © IRPA-KIK

Pendant soixante ans, la commune gèrera le site à travers la Régie de l’Abattoir et Marchés (RAM) dont les fonctionnaires assurent la direction, la logistique, l’entretien, le contrôle des taxes et la garantie sanitaire tandis que l’abattage, le nourrissage, l’achat et vente du bétail et de la viande est assurée par des exploitants titulaires d’une concession.

Cette époque reste vivante dans les récits des exploitants actuels. Michel Geeroms, membre du conseil d’administration d’Abattoir SA et dont la famille traite les peaux de l’abattoir depuis trois générations, raconte comme s’il l’avait vécu, l’abattoir d’avant-guerre : « Les bouviers étaient des indépendants qui travaillaient pour les marchands de bestiaux ou pour les grossistes en viandes. Il faut s’imaginer que le marché avait lieu le mercredi mais les animaux pouvaient arriver dès le lundi. À l’époque, le train arrivait dès le dimanche soir. Les bouviers rassemblaient les animaux sous la halle la nuit du mardi au mercredi et à six heures du matin, la cloche sonnait et les bouchers, les grossistes pouvaient acheter. Quand le bétail arrivait plus tôt, il fallait le nourrir, l’abreuver. Et ça, c’est jusqu’à la guerre ! » (Entretien avec M. Geeroms, 2015).

En 1890, l’abattoir « à taille de l’agglomération bruxelloise » s’installe donc à Cureghem. En plus de son infrastructure moderne, de son accessibilité par chemin de fer, il profite certainement du tissu économique local déjà orienté « viande ». Son architecture, un village industriel ouvert sur l’espace public, l’a connecté à la ville. Les récits de l’entre-deux-guerres le dessinent comme perméable et en interaction avec un quartier toujours en mouvement : arrivée des trains, flux constant d’ouvriers et d’artisans, marchés aux bestiaux et aux animaux, tavernes, hôtels, banques, etc. Un âge d’or, une première vie couronnée de succès pour cet abattoir en ville.

Survivance de l’abattoir anderlechtois

Dès les années soixante, les abattoirs insérés dans le tissu urbain – le lieu de consommation – disparaissent[5] progressivement au profit d’infrastructures installées désormais à proximité des zones de production : « Dans la période de l’après-guerre, des chevilleurs ont critiqué le caractère public et communal des abattoirs et ont prôné une privatisation de l’outil et son intégration à d’autres activités. Ils se sont alors fixés en dehors des zones urbaines pour des raisons essentiellement financières (coût des terrains et de la main d’œuvre) et d’approvisionnement (densité du cheptel), cette localisation étant rendue possible par la généralisation des transports frigorifiques. » (Lebailly, 1987 : 49).

Par ailleurs, Cureghem amorce son processus de désindustrialisation, les entreprises ferment ou déménagent en périphérie et l’agglomération bruxelloise amorce une période de décroissance démographique (Mistiaen, Meert, Kesteloot, 1995 : 229).

Malgré tout, la RAM continue. Plusieurs éléments vont favoriser sa survie et même… sa reprise dans les années quatre-vingt par un regroupement de professionnels de la viande et des acteurs économiques du quartier.

Tout d’abord, et avant tout, cet abattoir public était organisé en régie : les abatteurs, chevillards, bouviers y travaillaient en petites entreprises concessionnaires. Ils viendront prêter main-forte à la commune pour moderniser une partie de l’abattoir, suppléant un État belge qui « au milieu des années cinquante, affirme qu’il interviendra pour 60 % dans le coût de la modernisation » et dont la promesse « restera sans suite » (Vandemeulebroek, 1984 : 162). En 1955, les coûts de la « rationalisation de l’abattage de porc » dans les échaudoirs 3 et 4 seront « partagés par les maîtres-bouchers intéressés et la commune » (Abatan, 1990 : 11)

Fig. 4. Vue aérienne, vers 1960 © Archives communales d’Anderlecht

Les concessionnaires se sont en partie approprié leur outil de travail et ont pallié un certain désengagement public en finançant des aménagements.

Dans les années septante, la commune tente une dernière mise aux normes et récupérer un cachet à l’exportation perdu en 1966 : elle projette de rassembler les échaudoirs en un lieu commun et d’étaler l’activité de l’abattage sur toute la semaine pour assurer le « plein emploi des installations et ipso facto leur rentabilité. »[6] Cependant, faute de subvention, le projet n’aboutira pas.

Sans doute faut-il aussi imputer cette persistance à sa fonction dans le pouvoir communal. Ainsi, dans les années soixante, « presque tous les abatteurs de porcs habitaient Anderlecht. En fait, c’était une obligation morale, comme pour les fonctionnaires communaux, les agents de police. » (Cornélis, 1996 : 13) À ceci, il faut ajouter le volume d’emploi communal de la RAM : en 1983, pas moins de 120 fonctionnaires entretenaient le site, percevaient les taxes d’abattage… etc. (Vandemeulebroek, 1984 : 162) Fermer l’abattoir, surtout dans les années septante où les premières crises de l’emploi surgirent, revenait à licencier de nombreux anderlechtois. De plus, l’abattoir participait également de l’identité folklorique et culturelle de la commune. Aux alentours de Pâques, le site et les cafés à proximité accueillaient le défilé du Vettenos Le Bœuf gras (1909-1999), un concours de bestiaux national et international doté d’une fête populaire avec cortège, travestissement et kermesse, qui comme à Paris, dès le 19e est « redoublement du carnaval » (Agulhon, 1981 : 89).

Enfin, par-delà l’enceinte des abattoirs, le secteur de la viande reste très ancré dans un quartier qui s’étend aux rues adjacentes de la rue Heyvaert : en plus des ateliers de grossistes et de transformation de viande, de nombreux marchands de bestiaux y avaient leur siège social dans les années 50 et 90 (Onclinck, Deuxant, 1996). L’abattoir et son marché aux bestiaux étaient donc parties prenantes d’un tissu économique très particulier : en effet, à l’aube du XXe siècle, – et aujourd’hui encore, j’ai pu voir des grossistes et des bouchers d’Anderlecht pratiquer des échanges : « à la différence d’autres indépendants, qui dans le cadre de leur activité professionnelle entretiennent peu de contact entre eux, les bouchers se rencontrent fréquemment lors des marchés ou aux abattoirs. On voit par exemple, de petits bouchers acquérir une bête et la diviser entre eux. » (Jaumain, 1996 : 9). Les maîtres-abatteurs de gros bovins s’étaient constitués en coopérative, ABACO, en 1963 pour exploiter ensemble six échaudoirs. (ABATAN, 1999 :11). ABACO, devenue entre-temps une société privée à responsabilité limitée, dirige encore aujourd’hui la ligne d’abattage des bovins.

L’appropriation d’un outil de travail par des concessionnaires permettra la survie de l’abattoir mais ne le préservera pas de la faillite en 1982. Il reste le centre d’un tissu économique d’un quartier orienté « viande » et a posé une empreinte culturelle durable sur un quartier et sur une commune… Autant d’éléments qui joueront en faveur de sa reprise en 1984 par des acteurs économiques du quartier et lui assureront une deuxième, sinon une troisième vie.

Une reprise et des projets d’avenir pour un abattoir « urbain ».

Le 9 novembre 1983, des commerçants et entrepreneurs de Cureghem se constituent en société anonyme, Abattoirs et Marchés d’Anderlecht et reprennent un abattoir public déficitaire dans un contexte où ses alter ego ferment ou quittent les centres urbains. La reprise paraît périlleuse mais trente ans plus tard, la société gestionnaire poursuit ses investissements. Ce regroupement est assez exceptionnel et doit beaucoup à Carlos Blancke, dont les enfants sont encore à la tête du conseil d’administration de la société. Installée à Cureghem depuis les années soixante, la famille Blancke dirige une usine de salaison, une imprimerie et un commerce d’alimentation de gros et matériel horéca : « En 1983, nous avons appris que les abattoirs allaient fermer ! Nous venions d’emprunter des millions pour moderniser. À ce moment-là, 10 % de notre commerce se faisait avec les visiteurs de l’abattoir qui venaient se servir en cash & carry. (…) Ils venaient ici au marché aux bestiaux ». (Entretien avec Carlos Blancke, 1996, La Fonderie)

Carlos Blancke était un entrepreneur reconnu dans le quartier. D’un atelier de salaisons dans les années soixante, avec « mon frère Walter et un ouvrier », les salaisons Blancke et le commerce compte 100 ouvriers et employés en 1980. Les premières réunions qui ont abouti la reprise se déroulaient dans les cafés « chaque fois différent pour pas faire de jaloux » de la rue Rospy-Chaudron avec parfois plus de « cinq cent personnes, tous des commerçants ». Les Blancke n’avaient pas de contacts directs avec les maîtres-abatteurs. Par contre, de nombreux découpeurs leur fournissaient de la viande et ces artisans traitaient directement avec les maîtres-abatteurs d’Anderlecht. La mise en relation entre ces acteurs s’est donc déroulé par ce biais. (Entretien avec Carlos Blancke, 2016)

Le premier conseil d’administration regroupe des acteurs légitimés des secteurs de l’abattoir et de son quartier de grossiste/découpeur de viandes. En plus de l’entrepreneur Carlos Blancke, président et administrateur-délégué, il se compose de M. Geeroms, dont l’atelier traite les peaux depuis les années soixante a minima. Il compte également quatre découpeurs : De Vidts et Clerbaut (bovins), Willems et De Cooman (porcs) ainsi que deux maîtres-abatteurs, Verhasselt pour les bovins (ABACO) et Cornelis pour les porcs. Ces derniers étaient en sus actifs dans le folklore du Vettenos -Bœuf Gras. (Entretien avec Luc Blancke, 2016)

La reprise sera financée par 150 investisseurs, « il y avait au départ des gens qui travaillaient dans les abattoirs. Il y avait aussi les restaurateurs du quartier à qui nous avions expliqué : ‘ si les abattoirs ferment et deviennent un trou noir, vos restaurants vont en souffrir beaucoup ‘ » (La Fonderie, 1996 : 19).

La volonté du maintien des fonctions premières du site – l’abattage et le marché aux bestiaux – se confond avec la crainte du « trou noir ».

La jeune société investira dans ce qui est devenu « son » abattoir mais aussi s’emploiera à valoriser le terrain de 21,5 ha dont elle est désormais gestionnaire : en surface, elle crée ce qui deviendra un des plus gros marchés généralistes de Bruxelles et en sous-sol, elle aménagera les caves en un lieu d’événements : les Caves de Cureghem.

La re-construction de l’abattoir

Le bail emphytéotique accordé par la Commune était notamment conditionné par « la réalisation globale (de l’abattoir) aux normes CEE doit être terminée avant l’année 1985 et les travaux doivent être terminés à temps pour le cachet d’exportation soit maintenu en 1987 et après pour toute la durée du bail ». En ceci, la commune appliquait à la lettre la Loi du 13 juillet 1981, transcription d’une directive européenne (Lebailly,1987 : 53).

Quatre ans plus tard, les échaudoirs et ateliers de découpe précédemment organisés « en village », dont les ruelles étaient parcourues par les animaux, les professionnels, les clients sont démolis au profit d’un unique bâtiment aux murs aveugles. Désormais, les carcasses circulent confinées de la zone d’abattage vers les ateliers de découpes à travers les frigos et un couloir central. Cette rénovation rejoint le principe de concentration-centralisation du XIXe mais aussi celui, plus contemporain d’invisibilisation des activités d’abattage. (Vella, Brunfaut, 2015).

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Le processus de dissimulation agit efficacement à Anderlecht : Forum Abattoir n’imaginait pas qu’autant de clients du marché, pourtant parfois très réguliers, ignoraient la présence de l’abattoir. D’autres associent sa fermeture à celle du marché aux bestiaux.

Fin du marché aux bestiaux 1890-2008

Tout en maintenant les trois fonctions premières du site, l’abattoir, les ateliers de découpe, le marché aux viandes, la société a abandonné la quatrième en 2008, son marché aux bestiaux, pour des motifs de rentabilité et d’image.

Tout d’abord, l’Afsca exigeait la mise aux normes de la halle centenaire. Classée, sa réfection qui allait engendrer des frais conséquents pour une activité qui connaissait, d’année en année, une baisse des transactions : près de 80 % en 20 ans (Abattoir SA, statistiques de vente et d’abattage). Par ailleurs, les pavés disjoints du sol de la halle laissaient perler les déjections sur les plafonds voûtés des Caves de Cureghem…un espace réservé à des événements qui exigeaient « un certain cachet peu compatible avec ce genre de décoration » (Entretien avec Paul Thielemans, employé d’Abattoir SA).

L’image ensuite : depuis 1998, le marché aux chevaux, qui se tenait historiquement à quelques pas de là, place de la Duchesse, a rejoint les abattoirs. Les autorités molenbeekoises, sous la pression d’Animaux en péril et de Gaïa, associations de défense des animaux, avaient préféré le fermer. Comme au XIXe siècle, la maltraitance des chevaux ouvre le débat (Agulhon, 1981 :92). Après avoir obtenu l’interdiction de la vente de chevaux non destinés à l’abattage et la vente des chats et des chiens sur les marchés, les associations s’inquiètent également du sort des animaux d’élevage. Gaïa considère la fermeture du marché d’Anderlecht comme « son deuxième succès clé » (Gaïa, 2016, site web).

Au-delà, la suppression du marché participe à invisibiliser l’animal de la ville. Depuis le XIXe, comme nous l’avons abordé précédemment, la présence animale a été organisée depuis le modèle de la quarantaine en limitant strictement la vente de bétail à des marchés spécifiques et la mise à mort aux abattoirs. L’évolution d’Anderlecht répond à un processus commun à d’autres abattoirs : il était un « lieu d’accueil du vivant et de rencontre autour de l’animal avant qu’il ne s’industrialise et ne centre ses activités sur la mise à mort des animaux uniquement. » (Delavigne, 2006 : 2). A ce mouvement s’ajoute l’exception anderlechtoise : il est situé en plein centre urbain. Or, Nathalie Blanc décrit la ville contemporaine comme minérale et qui préfère un animal absent, ne conservant de la nature que le végétal. (Blanc, 2000)

Un troisième abattoir ?

Quelques mois après la fermeture du Marché aux bestiaux, la société gestionnaire publie son premier plan de développement et le réadapte en 2011 : l’abattoir et les ateliers de grossistes de 1987 disparaissent au profit d’une grande plaine centrée sur la halle classée et entourée d’entrepôts urbains. (Abattoir, 2009, 2011).

Abatan, rebaptisée Abattoir, construit le premier entrepôt en 2015 grâce à un cofinancement du Fonds européen de développement régional (Feder) : le Food Met, une halle couverte, regroupe le marché aux viandes, des maraîchers et des épiciers. La même année, elle a introduit un nouveau dossier auprès du Feder pour sa Manufakture-Abattoir « deux projets dans un seul bâtiment : l’abattoir urbain et la Manufakture (…) Nous l’entendons comme un bâtiment accueillant un ensemble de petites et moyennes entreprises actives dans le domaine de l’alimentation et qui pourraient nouer des synergies sur divers plans : consommation d’énergie, gestion des déchets, l’échange de produits, dans un concept d’économie circulaire ». (Forum Abattoir, 2015 : 22)

Si la surface au sol de l’infrastructure des années quatre-vingts demeurait semblable à celle de Tirou, la « troisième vie » proposée par le plan de développement d’Abattoir imagine un « abattoir urbain compact » avec une emprise au sol réduite : un grand rectangle 60 sur 100 m… L’abattoir actuel compte pour 20 % de la surface (Forum Abattoir, 2014: 42). Le futur lui réserve 5 % des 21,5 ha du terrain. Toutefois, il se déploie en hauteur : les deux à trois étages de la Manufakture Abattoir accueilleraient les lignes d’abattage, les ateliers de découpe, des sociétés actives dans la production alimentaire et des commerces de bouche au rez-de-chaussée.

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Ce projet de troisième abattoir répond à la logique de concentration mais accentue aussi le processus plus contemporain d’invisibilisation. En effet, placer l’abattoir au sein d’un bâtiment aux fonctions productives et commerciales multiples ne contribue-t-il pas à le dissimuler ? Après avoir été confinée derrière des façades aveugles, la mise à mort ne sera-t-elle pas tout aussi discrète derrière des commerces et activités qui suscitent moins d’appréhensions morales ?

Cette invisibilisation du lieu physique d’abattage peut correspondre à la dissociation contemporaine que le consommateur actuel établit entre l’animal et la viande : « Ce qui importe au consommateur ordinaire, ce sont les effets de l’assimilation de la substance carnée, diversifiée par des morceaux et des recettes : on recherche, à travers sa consommation, des effets de vie ; mais on les veut comme ex nihilo, coupés de l’être vivant singulier qui a fourni la substance ; l’oubli de l’animal est pour beaucoup condition d’un régime carné sans états d’âme. » (Vialles, 1988)

Ainsi, le mouvement qui a fait disparaître les abattoirs – en les éloignant des centres urbains et a fortiori du regard de ses habitants, en les dissimulant par des enceintes ou des bâtiments industriels génériques aux façades aveugles, se prolonge dans la seconde moitié du XXe siècle par la disparition du lien entre l’animal vivant et la viande.

L’abattoir racheté en 1984 était donc viable sous condition de modernisation. La société a également choisi d’exploiter les potentiels du terrain en diversifiant les activités commerciales tout en réservant une grande surface de terrain à son abattoir et à son marché généraliste, très ancrés dans le quartier. Elle développe toutefois des projets destinés à une clientèle plus large et dont certaines pourraient être moins compatibles avec sa fonction industrielle. En 2020, un abattoir compact associé à d’autres entreprises liées à l’alimentation, « Manufakture Abattoir », devrait remplacer l’actuelle infrastructure. L’activité sera donc conservée mais rationalisée, concentrée et logée dans un bâtiment qui participera au choix de diversification de la société gestionnaire.

En guise de conclusion

Le XIXe siècle a rassemblé la mise à mort des animaux dans des infrastructures spécifiques. Des cinq abattoirs de la jeune zone urbaine bruxelloise du XIXe, seule subsiste les Abattoirs et Marchés d’Anderlecht.

Sa présence en centre urbain est exceptionnelle : l’abattage se déroule aujourd’hui à proximité des lieux de d’élevage et non plus de consommation.

La mise à mort, la découpe, la vente, le marché et les étables occupaient tout le site jusqu’en 1984. L’abattoir reconstruit en 1987 loge désormais les lignes d’abattage, les ateliers de découpe et le marché aux viandes dans un seul bâtiment. Plus de trente ans plus tard, la société projette pour 2020 la construction d’un nouvel abattoir. Ce dernier, la Manufakture Abattoir renforce le processus de concentration : l’abattoir et ses ateliers seront déplacés dans un « entrepôt urbain », d’une ampleur au sol de 600 m2 mais qui s’élèvera en hauteur, sur deux ou trois étages. La société entend également y installer d’autres entreprises de production alimentaire et des commerces.

Pour expliquer la persistance de cet abattoir, j’ai avancé l’hypothèse de son insertion dans une logique de quartier. A l’époque de la gestion communale, il a été conservé, car il était un maillon de la politique locale, à tendance paternaliste, mais aussi un moteur de l’écosystème du quartier tant pour son économie que pour son identité culturelle. Dans les années quatre-vingts, la commune d’Anderlecht déclare le site en faillite. Sa renaissance doit là encore beaucoup au quartier : des entrepreneurs de Cureghem – liés au secteur de la viande, de l’élevage ou à ses connections – ont racheté le site par peur qu’il ne devienne un « trou noir ». La société gestionnaire a acquis plus qu’un abattoir et un marché : un terrain de 10,5 ha et a opté pour la diversification de ses activités, profitant de son ampleur et cherchant à éviter le vide craint par la première génération de repreneurs.

La présence de l’abattoir et ses ateliers de découpes est quelque peu occultée par le marché généraliste qui attire, chaque fin de semaine, plus de 100 000 visiteurs. De nombreux clients ignorent sa présence et d’autres associent la fin du marché aux bestiaux à une fermeture de la zone d’abattage. La dissimulation de cet abattoir serait-elle une condition pour son maintien en ville ? Une invisibilisation qui renvoie à la très contemporaine dissociation que le consommateur opère entre l’animal et la viande consommée.

Or, plusieurs années durant, en partie au départ du Plan global de développement de la société, l’Atelier de projet d’architecture de La Cambre a choisi les abattoirs comme terrain d’étude. Ses enseignants ont invité les étudiants à réfléchir l’abattoir en terme de « perspective » et de « situation » : « C’est à partir de cet apprentissage en situation qu’on peut se mettre à défendre l’abattoir, à s’en faire porte-parole dans ce qu’il pourrait devenir, car on pense qu’il y a encore des ressources pour le ‘ désinvisibiliser ‘ et produire un morceau de ville à partir de lui. Faire prise sur une partie sans chercher l’idéal, construire un possible pas à pas » (Vella, Brunfaut, 2015 : 40).

En proposant de le « désinvisibiliser et de produire un morceau de ville à partir de lui », cet atelier propose d’inverser la perspective : plutôt que de demander à l’abattoir de s’adapter à l’évolution de la ville, il nous invite à penser la ville depuis et par sa présence. Cette perspective rejoint l’intervention d’Antonin, riverain du site : « Si vous voulez qu’il soit intégré dans un quartier, il faut que les habitants comprennent ce qu’est un abattoir, ce qu’est abattre des bêtes, qui sont ces gens qui y travaillent, quels sont les enjeux. Nous sommes dans le dernier abattoir en fonction au cœur d’une capitale européenne. C’est compliqué mais c’est aussi une vraie chance. » (Forum Abattoir, 2015 : 24).

Cette intervention formulée à l’issue d’un débat qui a confronté des gestionnaires du site, des associations, des chercheurs, des personnes intéressées par le bien-être animal, des riverains et un abatteur nous invite à travailler la présence de l’abattoir en ville : comment peut-il être un potentiel, un outil à valoriser et à mettre en lumière ? Comment éviter de le percevoir seulement comme une activité rentable mais embarrassante et donc à dissimuler derrière un bâtiment aux façades aveugles ou à l’abri d’autres activités commerciales plus séduisantes.

Et, comment à travers la présence de cet abattoir en ville, redessiner avec les habitants, le lien entre l’animal et la viande, un lien que la consommation ordinaire tend également à invisibiliser ?

Sources

HERSLEVEN Josef 1925 – « Marché aux volailles et légumes ». Reportage photographique, conservé à l’Institut Royal du patrimoine artistique (IRPA-IKPA.

KINNAER A. & SENECHAL C. (éds) 2014 – État des lieux, document de travail pour ouvrir et alimenter le débat sur le devenir du site des abattoirs d’Anderlecht, Forum Abattoir,

Projet de développement global Abattoir, Le Ventre de Bruxelles – 2012, Bruxelles, ORGANIZATION FOR PERMANENT MODERNITY (ORG) & ABATAN SA.

Projet de développement global Abattoir, Le Ventre de Bruxelles. – 2014. Bruxelles, ORGANIZATION FOR PERMANENT MODERNITY (ORG) & ABATTOIR SA.

« Projet de modernisation des Abattoirs ». Conseil communal du 22/09/1971. Archives de la Commune d’Anderlecht. Registre des procès-verbaux des séances du conseil communal.

« Projet de rapport pour le conseil échevinal, création d’un abattoir central pour l’agglomération Bruxelloise », document manuscrit, accompagnant une lettre de l’administration communale de Bruxelles du 4 janvier 1878. Archives de la Commune d’Anderlecht, Boite Abattoirs et Marchés d’Anderlecht.

« Statistiques ». procès-verbal du conseil communal d’Anderlecht du 5/05/1919. Archives de la Commune d’Anderlecht, Boite Abattoirs et Marchés d’Anderlecht, farde « reprise ».

« jaaroverzicht 1998-2013 » – document comptable de la Abattoir SA, 2014, n.p. ( non publié)

« Rapport au collège » – s.d, s.a, vers 1919. Archives de la Commune d’Anderlecht. Boite Abattoirs et Marchés d’Anderlecht.

Bibliographie

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BLANC Nathalie 2000 – Les animaux et la ville. Paris, Odile Jacob.

BREËS G. SCOHIER C. & RENSON G. (éds) 2012 – Un abattoir en Ville. Bruxelles en Mouvement, n° 256-257.

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DELAVIGNE A.-E. 2006 – « L’abattoir d’Arles, un lieu de rencontre autour des animaux », Ruralia, 18/19, http://ruralia.revues.org/1231.

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[1] Projet de rapport pour le conseil échevinal, création d’un abattoir central pour l’agglomération Bruxelloise, document manuscrit. A.C.A, accompagnant une lettre de l’administration communale de Bruxelles du 4 janvier 1878.

[2] Statistiques, procès-verbal du conseil communal d’Anderlecht du 5/05/1919, A. C. A, « reprise ».

[3] Rapport au collège, s.d, s.a, vers 1919, Archives de la Commune d’Anderlecht. (A.C.A)

[4] Hersleven, Josef. Marché aux volailles et aux légumes @Kikirpa.

[5] Après des tentatives pour le moderniser, la Villette ferme en 1974, tout comme pour les abattoirs de La Mouche, à Lyon, et Vaugirard en 1978.

[6] Conseil communal du 22/09/1971, Projet de modernisation des Abattoirs. A. C. A, procès-verbaux des séances du conseil communal.

Pour citer cet article
Cataline Sénéchal « L’abattoir d’Anderlecht : les trois vies d’une exception urbaine »,
Uzance n°4, 2015, 52-62
URL : http://www.patrimoineculturel.cfwb.be/index.php?id=14484



Vous avez dit halal ?

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À Anderlecht, ABACO – l’entreprise qui gère les lignes d’abattage pour les bovins, les moutons et les chèvres – pratique également l’abattage rituel musulman, la dhabiha. Dans les discussions avec les habitants, certains préfèrent une entreprise située à Lennik spécialisée dans ce type d’abattage. Les consommateurs peuvent choisir leur bête parmi les moutons en pâture. Certains pourront même pratiquer la saignée au côté de l’abatteur. 

À Anderlecht, bouchers et particuliers doivent passer par un grossiste. ABACO a engagé un abatteur reconnu par les autorités musulmanes et acheté un box spécifique.

Un rituel très complet

De la dhabiha, on retient surtout l’absence d’étourdissement et la prière qui accompagne le geste de l’abatteur. Or, selon les personnes rencontrées, le rite devrait être bien plus complexe. Ainsi, l’animal vivant doit être visible et en parfaite santé. Il doit être suffisamment éloigné des autres pour éviter de le stresser : il ne doit ni voir, ni entendre, ni sentir la mort d’un de ses congénères. Il faut aussi attendre quelques minutes avant de transporter l’animal saigné pour s’assurer qu’il est bien inconscient.

Ces préoccupations sont facilement applicables à la ferme ou dans de très petits abattoirs. Elles sont semblables à celle de l’abattage traditionnel du cochon dans nos campagnes. Pour Youssef El Gourabha, grossiste en viande halal aux abattoirs, le rite du sacrifice permet aux consommateurs de relier l’animal vivant et la viande qu’ils ont dans leur assiette : « La plupart des consommateurs voient la viande comme une boite de coca. Un steak, c’est une barquette. Ils vont chez le boucher, ils achètent un steak, mais ils ne savent pas d’où il vient. Les musulmans abattent un animal pour la fête une fois par an mais aussi pour la naissance de chaque enfant. Cet abattage permet de comprendre d’où vient la viande. Mais c’est pas une question de religion, c’est une question de tradition. C’est pas une histoire de chrétien ou de musulman. Des connaissances vivent à la campagne en Italie et tuent le cochon. C’est la société aujourd’hui qui va contre ça. Tout est simplifié. Et les grosses boites gagnent. »

Et l’Aïd ?

Des années durant, le site a également accueilli l’abattoir temporaire pour l’Aïd de la Commune d’Anderlecht. En 2014, les autorités ont préféré s’en passer. L’alternative? Commander un mouton auprès de leurs services. Un flop ! Ils sont restés avec des animaux sur les bras. Pourquoi? Les habitants n’avaient pas la possibilité de choisir le poids de leur mouton, de le voir vivant et de s’assurer de la date réelle de l’abattage. Que fera la Commune en 2015 ?

En 2015, la Région a mis sur pied une formation pour les sacrificateurs des abattoirs temporaires. Cette formation a été mise en place en collaboration avec l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) et sera dispensée par un vétérinaire d’Abattoir dans l’espoir d’éviter de causer des souffrances inutiles aux animaux.




U zei halal?

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In Anderlecht is het ABACO – de onderneming die de slachtlijnen voor runderen, schapen en geiten beheert – die de rituele slacht voor (onder andere) moslims, de dhabiha, uitvoert. Uit gesprekken met buurtbewoners blijkt dat sommigen een klein bedrijfje in Lennik, gespecialiseerd in deze vorm van slachten, verkiezen. De consument kan er zijn eigen dier gaan kiezen uit de schapenkudde op de graaswei. Indien hij dat wenst, kan hij er zelfs het verbloeden uitvoeren aan de zijde van de slachter.

In Anderlecht moeten slagers en particulieren daarvoor langs een groothandelaar. ABACO heeft een slachter in dienst genomen die erkend is door de moslimautoriteiten en heeft ook een speciale box gekocht: een kantelbare kooi die naar Mekka gericht kan worden.

Een zeer volledig ritueel

Van de dhabiha kent men vooral het niet-verdoven van het dier en het gebed dat het gebaar van de slachter begeleidt. Er werd ons verteld dat het ritueel nochtans veel complexer is dan dat. Het levende dier moet goed zichtbaar zijn en in perfecte gezondheid. Het moet ver genoeg van de andere dieren verwijderd worden om stress te voorkomen. Het mag zelf niets zien, horen of ruiken van de dood van een soortgenoot. Het is ook aangeraden enkele minuten te wachten vooraleer het verbloede dier te transporteren, om er zeker van te zijn dat het bewusteloos is.

Deze voorzorgen zijn gemakkelijk te nemen op een boerderij of in kleinere slachthuizen. Zij zijn trouwens heel gelijkend met de traditionele slacht van varkens op ons platteland. Volgens Youssef El Gourabha, grossist in halal-vlees in de Slachthuizen, kunnen de consumenten door het hele offerritueel het levende dier gemakkelijker verbinden met vlees dat ze later in hun bord krijgen: “De meeste consumenten zien vlees als een blik cola. Een steak, dat is een schaaltje met folie erover. Ze gaan naar de slager, kopen een steak, maar ze weten niet eens waar die vandaan komt. Moslims slachten eenmaal per jaar een dier voor het feest en ook voor de geboorte van elk nieuw kind. De slacht staat toe te begrijpen waar het vlees vandaan komt. Het is niet zozeer een kwestie van religie, maar van traditie. Het is geen verhaal van Christenen of Moslims. Vrienden van mij wonen op het Italiaanse platteland en die slachten zelf hun varken. Het is de huidige maatschappij die daar tegenin gaat. Alles is vereenvoudigd. En het zijn de grote die erbij winnen.”

En het Offerfeest (El Aïd)?

Gedurende vele jaren fungeerde de site ook als tijdelijk slachthuis voor het Offerfeest van de gemeente Anderlecht. In 2014 verkozen de autoriteiten om dit niet meer te doen. Een schaap bestellen via hun diensten? Een flop! Ze bleven zitten met hun dieren. Waarom? De inwoners konden het gewicht van het schaap niet kiezen, kregen het levende dier niet te zien, en kregen geen zekerheid over de exacte slachtdatum. Wat zal de gemeente doen in 2015?

In 2015 is het Gewest gestart met een opleiding voor offeraars voor de tijdelijke slachthuizen. Ze werd opgesteld in samenwerking met de Moslimexecutieve (EMB – Executief voor Moslims België) en zal onder de controle van een dierenarts van Abattoir staan, in de hoop dat onnodig lijden van de dieren daarmee vermeden kan worden.




Le canal : une solution à tout ?

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Rencontre avec Sarah De Boeck, chercheuse à Cosmopolis, VUB. Ses recherches portent sur la mixité des fonctions à Bruxelles : le résidentiel, les services publics et les activités productives, en particulier celles qui génèrent de l’emploi pour les moins diplômés. Elle estime que « cette mixité est une bonne chose : par exemple, si les travailleurs habitent à proximité de leur travail, ils vont accorder plus d’attention à la qualité de leur environnement direct. »

La ZEMU favorise le logement

Comme le rappelle S. De Boeck, « les promoteurs immobiliers préfèrent construire des résidences et des surfaces commerciales car le profit au mètre carré est bien plus élevé. La construction d’un bâtiment industriel occasionne des surcoûts : les planchers doivent, par exemple, être renforcés pour soutenir le poids d’une machinerie ». Dans les terrains qui bordent le canal, « la Région entend répondre à deux problèmes à la fois. D’une part, construire de nombreux logements pour répondre à la croissance démographique et d’autre part créer de l’emploi pour diminuer le chômage, qui atteint-là des taux énormes. »

Pour répondre à ces défis, la Région a modifié le plan d’affectation du sol et y a instauré en décembre 2014 des ZEMU – Zones d’Entreprises en Milieu Urbain – qui permettent désormais au logement de cohabiter avec les entreprises. Ce plan a eu des effets sur la spéculation : « Prenons le cas de Biestebroek. Au départ, c’était une zone monofonctionnelle, réservée à l’industrie. Sachant qu’elle allait tôt ou tard passer en ZEMU, des investisseurs, comme Atenor, y ont acheté d’énormes terrains espérant y construire du logement. »

La ZEUS favorise l’entreprise

Toutefois, la Région entendait aussi réagir au déficit de l’emploi et à l’augmentation de la pauvreté, « c’est pourquoi, elle a initié un autre plan qui vient se superposer à la ZEMU : la Zone d’Économie Urbaine Stimulée (ZEUS). » Sur le principe de la zone franche, la ZEUS veut attirer des entreprises avec des incitants fiscaux, à condition, par exemple, qu’ils engagent au minimum 20 % d’habitants pour stimuler l’emploi local. Mais, avec l’arrivée du dispositif ZEMU, le prix des terrains avait déjà considérablement augmenté. « Or, une entreprise productive a besoin de grands espaces et de grands bâtiments pour loger ses activités. L’augmentation du prix des terrains les empêchent donc de s’y installer. Il y a donc un conflit entre ZEUS et ZEMU ».

Des outils pour contrôler la valeur des terrains

En partenariat avec plusieurs universités, S. De Boek mène une étude sur les mécanismes de contrôle de la spéculation, à savoir la fluctuation de la valeur des sols, pour permettre aux entreprises productives de rester à Bruxelles. « Le bail emphytéotique existe déjà, Abattoir en bénéficie ». D’autres outils sont imaginables. Le gouvernement pourrait instaurer un système d’échange : un terrain industriel du canal contre un autre dans un quartier plus résidentiel, avec un calcul précis pour en déterminer la valeur d’échange (accessibilité, services collectifs et récréatifs, etc.)

La chercheuse s’intéresse aussi au quartier Heyvaert et juge son avenir incertain : « si le commerce de voitures d’occasion déménage, des milliers de mètres carrés seront alors disponibles. Aujourd’hui, personne ne sait si ces gros commerçants vont quitter le quartier ». La Région leur propose de s’installer à la périphérie, à Schaerbeek Formation. « Rester, pour ces négociants, c’est aussi une forme de spéculation. Plus longtemps ils restent, plus la valeur de leur terrain augmente, car autour du canal, elle augmente de toute part. J’ai bien peur que sans contrôle régional de la valeur du foncier, la mixité de fonction et la mixité sociale vont disparaître et que ce quartier devienne un paradis de lofts. Et par ailleurs, sans alternative logement, où les habitants actuels vont-ils s’installer ? Dans des caravanes dans les champs autour de Bruxelles ? »




Het kanaal: een passe-partout-oplossing?

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Wij spraken met Sarah De Boeck, onderzoekster bij Cosmopolis VUB. Zij doet onderzoek naar het gemengde karakter van de verschillende functies in Brussel: huisvesting, openbare dienstverlening en productieactiviteiten. Bij de laatste ligt de focus op die activiteiten die werk scheppen voor laaggediplomeerden. “Deze mix van functies is een goede zaak. Wanneer bijvoorbeeld werknemers dicht bij hun werk wonen, gaan ze automatisch meer aandacht schenken aan hun onmiddellijke omgeving.”

De kanaalzone: het OGSO voorziet ook in huisvesting

S. De Boeck benadrukt: “Bouwpromotoren kiezen voor residentiële en commerciële gebouwen want de opbrengst per vierkante meter is veel groter. De bouw van een industrieel complex veroorzaakt immers bijkomende kosten: de vloeren moeten bijvoorbeeld versterkt worden om het gewicht van de machines te kunnen dragen.” Wanneer we het met haar hebben over de kanaalzone, onderstreept ze dat “het Gewest tegemoet wil komen aan twee problemen tegelijkertijd. Enerzijds wil men door het bouwen van een groot aantal woningen beantwoorden aan de stijgende vraag als gevolg van de bevolkingsgroei, en anderzijds wil men werkgelegenheid creëren om het enorme werkloosheidscijfer in de zone te doen dalen.”

Om te kunnen inspelen op die grote uitdaging werd het Gewestelijk Bestemmingsplan gewijzigd en werd er in december vorig jaar een OGSO (OndernemingsGebied in Stedelijke Omgeving) van gemaakt. Een OGSO voorziet in het combineren van woningen met ondernemingen. Dit heeft gevolgen gehad op de grondspeculatie: “Nemen we als voorbeeld Biestebroek. Dat was in het begin een monofunctionele zone, voorbehouden aan industriële activiteiten. Wetende dat deze zone vroeg of laat een OGSO zou worden, hebben investeerders als Atenor er enorme terreinen opgekocht in de hoop er woningen te kunnen bouwen.”

ZEUS begunstigt de ondernemingen

Het Gewest wilde zowel het werkgelegenheidstekort als de toenemende armoede aanpakken. “Daarom werd bovenop het OGSO een nieuw plan uitgedokterd, de Zone van Economische Uitbouw in de Stad (ZEUS)”. Gebaseerd op het principe van de vrijhandelszone, wil ZEUS ondernemingen lokken met fiscale voordelen, op voorwaarde dat ze zich engageren om de lokale economie te stimuleren door bijvoorbeeld minimaal 20% inwoners aan te werven. Maar met de voorziene komst van het OGSO, was de grondprijs al aanzienlijk gestegen. “Een productiebedrijf heeft behoefte aan veel ruimte en aan ruime gebouwen om er zijn activiteiten in onder te brengen. De stijging van de grondprijs heeft tot gevolg dat zij er zich moeilijk kunnen vestigen. Er is met andere woorden een conflict tussen OGSO en ZEUS.”

Werkinstrumenten om de terreinwaarde te controleren

S. De Boeck werkt samen met andere universiteiten aan een onderzoek naar de controlemechanismen van grondspeculatie, zoals de schommelingen in grondwaarde. De studie heeft als doel de productiebedrijven in Brussel te houden. “Erfpacht bestaat al, Abattoir maakt er gebruik van.” Ook andere instrumenten behoren tot de mogelijkheden. De overheid zou een ruilsysteem kunnen instellen: een industrieel terrein aan het kanaal tegen een meer residentiële wijk, met precieze meetcijfers om de ruilwaarde te bepalen (toegankelijkheid, collectieve en recreatieve voorzieningen, enz…).

Zij interesseert zich ook voor de Heyvaert-wijk en schat de toekomst daar onzeker in: “Als de handel in tweedehandsauto’s verhuist komen duizenden vierkante meters ruimte vrij. Tot op vandaag weet niemand of deze groothandelaren de wijk zullen verlaten”. Het Gewest stelt voor om hen in de periferie, op Schaarbeek Vorming te huisvesten. “Blijven is voor de onderhandelaars ook een vorm van speculatie. Hoe langer ze blijven, hoe meer de waarde van de terreinen stijgt. Want rond het kanaal stijgt die sowieso. Ik vrees dat zonder een gewestelijke controle op de grondwaarde, zowel de functionele als de sociale mix zullen verdwijnen en de wijk een loftenparadijs wordt. En waar zouden de huidige bewoners dan naartoe moeten, zonder enig woningalternatief? In woonwagens op de weiden rond Brussel misschien?”




Quand l’existant marche, ne pas en faire table rase !

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Inter-Environnement Bruxelles (IEB) est née en 1974 dans le terreau des luttes urbaines contre la destruction du cadre de vie des habitants. IEB fédère des habitants de la Région bruxelloise actifs sur des questions urbaines, écologiques et sociales. L’association revendique pour tous le droit à définir et à défendre collectivement son environnement (social, écologique, économique, politique, culturel…) et considère la multiplicité des points de vue de ses membres comme une force. Elle cherche à défendre l’intérêt collectif plutôt que des intérêts particuliers. Fin 2014, IEB s’est installée à Cureghem au Centre Euclides.

En 2011, IEB découvre que des réflexions sont en cours pour repenser l’organisation du site des abattoirs. Pour IEB, il s’agit d’un site urbain hors du commun, fort de son histoire, qui s’est développé au fil du temps en épousant l’évolution de son quartier de ses habitants. IEB craint une transformation du site en décalage avec les besoins locaux. La pression immobilière sur le territoire, la proximité du canal et de la gare internationale TGV font craindre des développements qui pourraient faire table rase de ce qui marche : un marché populaire, un des derniers abattoirs urbains d’Europe connecté à un marché aux viandes, des emplois peu qualifiés adaptés à la main-d’œuvre bruxelloise.

IEB se rend compte que les habitants et les usagers du marché sont peu informés de ses projets de transformation. Elle rentre en contact avec l’Union des locataires d’Anderlecht (ULAC) et le CRU pour débattre de leur perception du site, des besoins auxquels il répond ou ceux auxquels il pourrait subvenir. IEB s’interroge aussi sur les besoins des marchands qui fréquentent le marché et ceux des travailleurs des abattoirs. Dans les cartons, on parlait tout un temps de développer un centre de congrès ou d’une nouvelle halle alimentaire sur le modèle lyonnais destinée à attirer un nouveau public. Certains parlaient vouloir « casser l’image du quartier des bonnes affaires ».

Des projets de logements sont également évoqués. Comment un centre de congrès,
un marché populaire attirant 100 000 personnes chaque week-end, un abattoir et des logements vont-ils pouvoir cohabiter sur ce site de 10 ha ? Les nouveaux habitants qui vont subir les nuisances du marché et des abattoirs ne vont-ils pas à terme chasser ces activités qui sont pourtant un poumon économique du quartier ? La nouvelle attractivité supra-locale voulue ne risque-t-elle pas d’entraîner une hausse des valeurs foncières et des loyers chassant à terme les habitants actuels ?

Outre ces questions socio-économiques, on peut se questionner l’abattage comme
une responsabilité collective : « La présence d’un abattoir en ville est une opportunité quasi unique de nos jours. Elle peut constituer l’occasion de penser le sens de l’élevage et de l’abattage, la prise en charge collective de la mort de l’animal » [1. Bruxelles en Mouvement, « L’abattoir en ville », mai 2012.]. Pour cela, la rénovation – ou la construction – d’un abattoir devrait s’assumer comme tel : dans sa signalisation, dans son aspect extérieur et son accessibilité. Il ne devrait pas se cacher derrière des parois de béton d’un bâtiment industriel générique… comme c’est le cas du l’abattoir actuel.

Les enjeux et les préoccupations d’Abattoir, des politiques et des habitants ne sont pas nécessairement identiques mais le dialogue mené depuis 2013 grâce à Forum Abattoir montre que toutes les parties prenantes ont intérêt à préserver une culture du débat pour améliorer le devenir du site en lien avec son quartier.




If it ain’t broke…

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Inter-Environement Bruxelles (IEB) is in 1974 ontstaan uit de strijd van bewoners tegen de vernietiging van hun stedelijke leefomgeving. IEB verenigt alle inwoners van het Brussels Gewest die actief zijn op het vlak van stedelijke, ecologische en sociale kwesties. Zij verdedigt het recht van iedereen om zijn leefomgeving te definiëren en om deze gezamenlijk te beschermen. De verschillende invalshoeken van haar leden vindt zij een sterkte, en zij streeft ernaar eerder het algemeen belang te dienen dan het individuele. Sinds eind 2014 is IEB gehuisvest in Kuregem, in het bedrijvencentrum Euclides.

In 2011 kwam IEB te weten dat men begon na te denken over een reorganisatie van de slacht-huizensite. Voor IEB gaat het hier om een bijzondere stedelijke site met een sterke geschiedenis die zich gaandeweg gevormd heeft, parallel met de evolutie van de wijk en haar bewoners. IEB vreest dat de de herbestemming van de site ten koste zal gaan van de lokale behoeften. De druk van de bouwpromotoren op het grondgebied, de nabijheid van het kanaal en van het internationale HST-station doen vermoeden dat er wel eens tabula rasa kan gemaakt worden met iets dat eigenlijk goed functioneert: een zeer populaire markt, één van de laatste stedelijke slachthuizen in Europa met bijhorende vleesmarkt, de aanwezigheid van laaggeschoolde beroepen voor Brusselse arbeidskrachten.

IEB besefte dat buurtbewoners en gebruikers van de markt weinig weten van de op til zijnde veranderingen. Daarom bracht zij de huurdersbond van Anderlecht (HUVAK) en het CSV samen aan tafel om met hen een gesprek te voeren over hun visie op de site, over de behoeften waaraan de site al voldoet en over diegene waarin zij nog zou kunnen voorzien.

Gedurende een hele tijd was er sprake van de ontwikkeling van een congrescentrum en een nieuwe voedingshal naar het model van Lyon, om daarmee een geheel ander publiek aan te trekken. Sommigen spraken zelfs over het ’doorbreken van het imago van goedkope wijk’. Sindsdien lijken de zaken geëvolueerd te zijn. Er is nu ook sprake van woningprojecten. Hoe kunnen een congrescentrum, een volksmarkt die elk weekend 100.000 bezoekers lokt, een slachthuis en woningen naast elkaar bestaan op die site van 10 ha? Zullen de nieuwe bewoners die de aanwezigheid van een markt en slachthuizen maar lastig vinden deze activiteiten niet willen verjagen, ook al zijn zij de economische long van de wijk? Zal de bovenlokale aandacht die men wenst er niet toe leiden dat grondwaarde en huurprijzen stijgen zodat de huidige bewoners op de vlucht gejaagd worden?

Behalve over dit soort socio-economische vragen, kan men zich ook buigen over de kwestie van het slachten als collectieve verantwoordelijkheid: “De aanwezigheid van een slachthuis in de stad is tegenwoordig een uniek fenomeen. Zij kan ons de kans bieden om na te denken over de veeteelt en het slachten, of over het collectief maken van de verantwoordelijkheid voor het doden van het dier” [1. Bruxelles en Mouvement, ’L’Abattoir en ville’, mei 2012.]. Daarom zou de renovatie – of de bouw – van een slachthuis een uitdrukking moeten vinden in zowel de bewegwijzering als in de uiterlijke aspecten en de toegankelijkheid. Het nieuwe slachthuis zou zich niet mogen verstoppen achter de betonnen muren van een soort industrieel gebouw zoals dat met het huidige wel het geval is.

De uitdagingen en zorgen van politici en bewoners rond het Slachthuis stemmen niet noodzakelijk met elkaar overeen. Maar de dialoog die sinds 2013 met de hulp van Forum Abattoir gevoerd wordt, toont aan dat alle betrokken partijen ernaar verlangen om op een positieve manier verder te bouwen aan de toekomst van zowel de site als van de wijk.




De l’emploi, du logement social, des services collectifs et un Cureghem accueillant

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Le Centre de Rénovation Urbaine (CRU) est installé en bordure du site, chaussée de Mons. Il travaille sur l’urbanisme, l’environnement, le logement, dans l’optique de maintenir les habitants dans leur quartier. Il s’agit d’améliorer les conditions de vie de ceux qui sont là et non d’attirer de nouveaux habitants au portefeuille plus garni. Ceci les amène à s’intéresser aux projets immobiliers et à la maîtrise du foncier pour enrayer la spéculation.

Rencontre avec Abderazzak Benayad.

« Le CRU s’intéresse au site depuis la fin des années ’90. À l’époque, sur ses abords, chaussée de Mons, il n’y avait que des maisons vides, en grande partie propriété de la société Abattoir. Puis, ASSAM a construit des logements sociaux du n°241 jusqu’aux usines Renault. Quand nous nous sommes installés au rez-de-chaussée du n°211, nous avons également créé et rénové six logements aux étages. »

Le CRU considère que « malgré le bail emphythéotique qui lie Abattoir, société privée, et la Commune d’Anderlecht, pour le site des abattoirs, cet espace garde une dimension publique. Il en découle que les associations et les habitants doivent être associés à la réflexion du devenir du site. »

Un site accueillant

« À l’heure actuelle, l’entrée située face de la station de métro Clemenceau est dans un état déplorable ! Les façades arrières sont décrépies, le sol est défoncé et la traversée piétonne de la chaussée de Mons est dangereuse. Pour nous, l’image populaire de Cureghem ne doit pas justifier ce laisser-aller alors que des dizaines de milliers de personnes l’empruntent chaque week-end. Avec le Contrat de quartier Lemmens (2004), le CRU avait obtenu un financement pour l’embellir. Nous avions besoin de la SA Abattoir pour boucler le budget mais la société a décliné en invoquant des aménagements futurs prévus dans le cadre de son Master Plan, etc. Aujourd’hui, la nouvelle Halle alimentaire est inaugurée… mais l’entrée est toujours dans le même état ! C’est dommage, non ? »

Des infrastructures collectives et du logement social

« Le quartier manque d’espaces verts, de crèches… Tout aménagement d’un site aussi énorme devrait prendre en compte les besoins des habitants et des usagers. Or, les principaux usagers du marché des abattoirs sont les habitants d’Anderlecht et les habitants d’origine immigrée de la première ceinture et des abords du Canal. Leur présence garantit l’activité économique du site. Mais que propose la société Abattoir en échange ? Quelles infrastructures collectives ? N’ont-ils pas plus besoin d’une piscine publique que d’une salle de spectacle ? Ou de logement social ? Il y en a, chaussée de Mons, aux étages du CRU ainsi que de maisons voisines. Pourquoi ne pas en installer rue Ropsy-Chaudron ? Certes, l’activité industrielle peut apporter des désagréments, mais les habitants de Cureghem s’en sont toujours accommodés. »

Maintenir le bassin d’emploi productif en ville

« Tout comme le commerce de voiture d’occasion, si l’abattoir est là, autant qu’il y reste.
Il est important que la ville demeure un lieu de travail et de production. Il faut qu’elle garde ses bassins d’emploi. Ce sont eux qui maintiennent un lien historique avec le Cureghem d’hier et d’aujourd’hui : la production agroalimentaire avec Abattoir, le textile avec le Triangle et le commerce des voitures à Heyvaert. Ces activités doivent rester car elles protègent une autre fonction essentielle du quartier : sa dimension populaire et d’accueil. »




Werk, sociale huisvesting, openbare dienstverlening en een gastvrij Kuregem

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Het Centrum voor Stadsvernieuwing (CSV) ligt op de rand van de site, op de Bergensesteenweg. De organisatie werkt rond stedelijke thema’s, leefomgeving en huisvesting. Ze heeft als doel de inwoners in de wijk te houden. Het gaat er daarbij om hun levensomstandigheden te verbeteren, en het is zeker niet de bedoeling om nieuwe bewoners met een dikkere portefeuille aan te trekken. Dit leidt de vzw tot het thema van de woningprojecten en de controle op de grondbelastingen om speculatie af te remmen.

Ontmoeting met Abderazak Benayad.

“Het CSV is zich eind jaren 90 voor de site beginnen interesseren. In die tijd had je in de directe omgeving van de Bergensesteenweg enkel leegstaande huizen, die voor het grootste deel eigendom waren van de vennootschap Abattoir. Daarna begon ASSAM sociale woningen te bouwen vanaf nummer 241 tot aan de Renault-vestiging. Toen wij ons installeerden op het gelijkvloers van nummer 211, hebben we daar ook zes woonruimtes op de bovenverdiepingen gecreëerd en gerenoveerd.”

Ondanks de erfpacht dat de private onderneming Abattoir en de gemeente Anderlecht aan elkaar bindt voor de uitbating van de Slachthuizensite, vindt het CSV dat deze haar openbaar karakter moet blijven behouden. Daarom moeten organisaties en buurtbewoners samen nadenken over de toekomst van de site.

Een gastvrije site

“Op dit ogenblik bevindt de ingang rechtover metrostation Clemenceau zich in een erbarmelijke staat. De achterste gevels zijn vervallen, de grond zit vol kuilen en de oversteekplaats voor voetgangers over de Bergensesteenweg is ronduit gevaarlijk. Volgens ons is het volkse imago van Kuregem geen excuus voor deze onverschilligheid, zeker niet omdat er elk weekend duizenden bezoekers passeren. In 2004 kreeg het CSV met het wijkcontract Lemmens een budget voor de verfraaiing van de buurt. Wij hadden Abattoir NV nodig om dat budget bij te passen, maar zij heeft zich toen teruggetrokken met als reden de toekomstige verbouwingen die al voorzien waren in het masterplan. Vandaag wordt de nieuwe Vleesmarkt ingewijd… maar de ingang is nog in net dezelfde lamentabele staat. Dat is toch jammer, nee?”

Collectieve voorzieningen en sociale huisvesting

“De wijk heeft nood aan meer groene ruimte, meer kinderopvang, etc. Elke verbouwing van een site van die omvang zou rekening moeten houden met de buurtbewoners en de gebruikers. De belangrijkste gebruikers van de markt van de slachthuizen zijn in eerste instantie de inwoners van Anderlecht en de migrantenbevolking. Hun aanwezigheid garandeert de economische bedrijvigheid van de site. Maar wat stelt Abattoir NV in de plaats? Welke collectieve voorzieningen? Hebben de buurtbewoners niet meer nood aan een openbaar zwembad dan aan een toneelzaal? Of aan sociale woningen? Die zijn er wel op de Bergensesteenweg. Waarom zouden er geen kunnen bijkomen in de Ropsy-Chaudronstraat? Natuurlijk kunnen de industriële activiteiten er overlast veroorzaken, maar de inwoners van Kuregem hebben zich altijd goed aangepast.”

De reserve aan productie-werkgelegenheid in de stad houden

“Net zoals de handel in tweedehandsauto’s, kan het slachthuis maar beter blijven blijven waar het is. Het is belangrijk dat de stad een plek blijft waar ook werk en productie is. De stad moet haar werkgelegenheidsreserves trachten te behouden. Zij vormen namelijk een historische link tussen het oude en het nieuwe Kuregem: de agrovoedingsproductie met Abattoir, het textiel met de Driehoek, en de autohandel met Heyvaert. Deze activiteiten kunnen beter blijven want ze beschermen een andere essentieel kenmerk van de wijk: haar volkse karakter en haar gastvrijheid.”




La chaîne d’abattage en dessin

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Site des abattoirs : le plan

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Slachthuizensite : het plan

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