L’élevage intensif évoque avant tout des poussins « ébectés » à la chaîne, des veaux élevés dans le noir pour assurer la blancheur de la viande, des porcs engraissés dans des cages exigües, nourris d’un cocktail de céréales, d’huiles, d’antibiotiques et de vitamines… Les gens de métier – bouchers et grossistes – parlent aussi du stress des animaux soumis à un tel régime et de son impact sur la qualité de la viande que nous mangeons.
Modifier l’animal ou…
Les sélectionneurs et les généticiens s’associent pour stabiliser des races d’animaux qui sont plus adaptées à ce type d’élevage. Ainsi le Piétrain est au cochon ce que la Blanc Bleue Belge est à la vache : musclé, peu gras mais… il est « stressé ». Depuis les années ’80, les chercheurs tentent d’isoler une lignée de Piétrain résistante au stress pour « rencontrer la demande des consommateurs en évitant l’emploi de tranquillisants lors du transport des porcs ainsi que les exigences des industriels et de la grande distribution dans le cadre de la qualité de la viande ». Depuis peu, ce cochon s’est installé dans les étables et dans les assiettes et apparemment, ça marche : « Dans un test de dégustation à l’aveugle portant sur quatre types génétiques différents, 38 familles belges sur 40 ont immédiatement reconnu les qualités du porc Piétrain stress négatif. » 1
… son rapport à l’animal ?
Benoit Faut, chevillard, revient sur le stress de l’animal en donnant l’exemple du « cul-de-
poulain ». De temps en temps, le hasard de la génétique faisait naître un veau à l’arrière train proéminent – c’est là où sont les beaux morceaux : « Quand un fermier avait un cul-de-poulain chez lui, il rentrait vingt fois par jour pour voir si son cul-de-poulain se portait bien. (…) On parle beaucoup de stress chez le porc et chez le grand bétail aussi. Mais un cul-de-poulain, ça n’a pas de stress parce qu’il est tout le temps cajolé. » 2
De l’attention comme remède au stress ?
L’élevage intensif pose aussi la question du rapport de l’éleveur à ses animaux. De plus en plus, à cause de la mécanisation (par ex. la traite) et de la robotisation (nourrissage, nettoyage,…) le premier et dernier contact de l’animal d’élevage intensif avec un humain pourrait avoir lieu… à l’abattoir. Et cette première rencontre ne se passe pas toujours bien : des ouvriers de la chaîne racontent le danger à abattre un animal « sauvage » (sic), selon eux, cette sauvagerie n’a rien à voir avec celle d’un animal grandissant en pleine nature mais bien dans des espaces industriels où le contact avec l’humain s’est réduit au strict minimum.