Les ouvriers bouchers travaillent souvent de nuit, dans le froid des frigos. Un couteau, ça se manie avec précision, au risque de couper ci-et-là un doigt, un tendon. Et les dos souffrent sous la charge… Pourtant, les bouchers, les découpeurs et même les abatteurs parlent de leur métier avec passion. Pour autant qu’ils y soient bien préparés…
Le « manuel du boucher » compte plus de 500 pages réparties en trois gros chapitres, « Bétail et viande (achat et découpe) », « Charcuterie » et « Préparations culinaires ». En trois-quatre ans, les élèves connaîtront les caractéristiques d’une vache « type à viande », sauront que « les rognons de bœufs adultes sont impropres à la consommation », pourront distinguer une carcasse de mouton et de chèvre selon la couleur de la graisse, apprendront à découper les pièces en suivant l’ossature de l’animal, à préparer les pâtés de jambons, des salamis…
Ce programme prépare donc à un métier d’artisan. Or, à Bruxelles, depuis quelques années, il n’y a plus de section d’enseignement secondaire professionnel en boucherie. Elles auraient fermé faute d’élèves et à cause du coût exorbitant des investissements nécessaires à la mise aux normes AFSCA des ateliers de pratique.
… à Bruxelles, par l’apprentissage ou les cours du soir
Donc, un jeune bruxellois de 15 ans qui veut « faire boucherie » n’aura d’autre alternative que l’enseignement en alternance (IFAPME) avec un contrat d’apprentissage. Dino Quedo, patron-boucher ambulant de 25 ans se souvient : « à l’INFAC, nous étions quinze. Les trois-quarts faisaient leur stage chez Renman. On était deux à trois chez un petit boucher. Moi, j’étais ici, pas loin, à la Boucherie Ma Campagne. »
Dès 18 ans, l’enseignement de promotion sociale devient accessible. Au CERIA, l’institut Roger Lambion l’organise en deux ans et demi avec deux stages en entreprise. La directrice, Mme Ceuppens précise que son école est « désormais l’unique filière en cours du soir de la Communauté française à organiser un cursus de boucherie ». Elle compte 48 inscrits dont, fait inédit, 10 filles qui « tout comme les garçons, trimballent les quarts de bête. »
Sa section doit notamment sa survie à un campus où « tout s’emboîte » : « nos étudiants découpent la viande ou préparent les marinades pour les restaurants d’application de la section Restauration ». Elle s’est aussi engagée dans un « partenariat-public-privé » avec Viangro qui avait remarqué un problème dans la pyramide d’âge de ses employés : « Tous les chefs de ligne et de production sont proches de la pension. Viangro a donc donné la possibilité à ses ouvriers de décrocher un diplôme pour occuper les postes vacants dans le futur. »
La formation s’organise en modules : « charcuterie », « gestion », etc. Les élèves peuvent les suivre « à la carte » mais pour ouvrir un commerce, ils devront en réussir la totalité. Après, libre à eux de rejoindre la boucherie familiale, de sillonner les marchés… ou de devenir « chefs de ligne » dans l’industrie alimentaire.