Au supermarché, sous une lumière blanche, les steaks, blancs de poulet, saucisses, entrecôtes sont bien rangés dans leurs barquettes immaculées, ordonnées par races, par provenances, par prix, dates de péremption. C’est très facile. Très commode et cela a l’air bien propre.
Les belges sont de plus en plus nombreux à acheter leur viande au supermarché. Ainsi, seuls 28 % de la viande fraîche de bœuf est encore aujourd’hui achetée en boucherie spécialisée. Les clients semblent préférer grouper leurs achats et peut-être apprécient-ils aussi l’air hygiénique des rayonnages de supermarché. Mais, cette présentation « en barquette » n’est pas sans conséquences.
Un produit
Tout d’abord, le consommateur devra faire un gros effort d’imagination pour relier un rôti en barquette et l’animal vivant. La viande devient un produit réalisé en série. Comme les étagères, les biscuits, les assiettes et les couteaux.
Un choix
Ensuite, le choix. Les supermarchés proposent surtout ce qui se vend le mieux. Trouver une queue de bœuf ou de quoi cuisiner l’osso buco, c’est pas simple. Les saucisses seront de campagne, chipolata ou merguez. Et la recette, les herbes, les épices toujours pareilles, sauf durant les fêtes et périodes de barbecue ! Et puis, il y a le goût. De nombreux bouchers parlent d’une viande au goût semblable et la moins grasse possible : « Une génisse est toujours plus grasse et plus goûtue que le taureau. En boucherie, tu trouveras de la génisse et au supermarché du jeune taureau. Le boucher a une viande plus persillée, plus grasse. Le supermarché a besoin d’une qualité standardisée et maigre, qu’il soit à Verviers ou à Laeken ».
Un prix
Après, il y a aussi le contrôle des prix de vente. Dans les supermarchés, le prix de la viande varie peu. Or, un animal est unique. Pour le faire parvenir à maturité, il mangera plus ou moins, sera malade plus ou moins, et tous ces soins particuliers ont un coût. Un boucher traditionnel a plus la liberté de répercuter la qualité sur les prix. À la hausse ou à la baisse.
Un goût
Les supermarchés affichent des labels de qualité : Meritus, par exemple. Si ce label semble interdire l’usage des hormones, il engage surtout l’éleveur à fournir la même nourriture aux animaux. Or, la nourriture a un gros impact sur le goût de la viande. Ici encore, on contrôle le goût, on le standardise. Pour certains éleveurs, ces labels sont une solution de facilité, une façade facile, une condition minimale de qualité. Selon eux, les bons éleveurs n’en auraient pas besoin. Leur travail et la qualité de leur cheptel leur suffirait. « Si c’est un bon fermier, il n’a pas besoin du label. Ces labels, c’est encore une invention pour faire gagner des sous à des gens qui ne font rien. Qui vivent au détriment de ceux qui sont en début de chaîne. Mais si Renmans va acheter à l’abattoir dix carcasses qui viennent de chez Paul à Bastogne, Renmans pourrait prendre son auto et allez visiter la ferme de Paul. S’il faisait ça, pas besoin de label. »
Enfin, pour baisser les coûts et augmenter leurs profits, les grandes centrales d’achats peuvent se permettre d’acheminer des quantités de viandes congelées…
Mercredi 9 avril, des éleveurs wallons manifestaient devant l’entrée du Carrefour de Marche-en-Famenne contre une promotion sur le bœuf argentin. Concurrence, traçabilité, farine OGM… voici ce qu’ils dénonçaient. Ils voulaient que le supermarché mette en avant les produits locaux. Une question de survie pour ces éleveurs ?