Jean-Pierre Cuvry et sa famille sont éleveurs et bouchers à Dworp, village situé à quelques kilomètres au sud-ouest de Bruxelles. Chaque semaine, depuis une quinzaine d’années, il amène une petite quinzaine de cochons à l’abattoir.
Tu passes par un grossiste ?
Non, directement. Je charge les porcs le lundi. Le mardi matin, je vais les rechercher, l’après-midi, on les découpe, on fait les boudins…
Par où entrent tes cochons ?
Ma remorque est trop basse pour le quai de déchargement. Du coup, je peux passer par une petite porte avec une petite rampe. Au départ, elle était toute lisse. Les porcs pouvaient se casser une patte… J’ai rouspété au bureau et après trois semaines, ils ont mis des lattes en fer. Dans un grand abattoir, ils diraient « Alleï, fous le camp. Va faire abattre tes porcs ailleurs. » Ici, c’est sympa. Quand tu vas dans des grosses boites qui font du 30 000 porcs à la semaine, tes cochons ne seront même pas considérés. Ici, ils sont dans un box à part. Mais dans les gros abattoirs, t’as plus aucun contact.
Tu peux raconter l’histoire de ton exploitation ?
En 1973-74, j’ai commencé mon activité avec 120 truies. Et puis on a mis une étable pour engraisser les porcs et puis une autre pour les truies. On a été jusqu’à 350 truies comme ça. Et on engraissait 2 000 porcs, ici, sur place. Mais, en 2000, les prix étaient très mauvais. Comme on fait nos aliments nous-même, nos porcs sont plus gras qu’ailleurs. J’arrivais plus à les vendre à un prix correct. Donc, mon épouse a commencé en 2000 à vendre un cochon en deux morceaux et puis en trois… Et après quelques mois, on a ouvert le magasin.
Depuis lors, la famille Cuvry a adapté la taille de son élevage à ce qu’elle vend dans sa boucherie. Interrogé sur l’opportunité d’un nouvel abattoir, Jean-Pierre répond d’abord qu’il n’en voit pas trop l’utilité. Il craint d’ailleurs que le nouvel appareillage augmente la cadence de la mise à mort avec des conséquences sur le bien être animal : « Si tu gardes les mêmes ouvriers et si tu les fais travailler un peu plus vite, ça va. Mais, si tu les fais travailler beaucoup plus vite… ça n’ira plus. Déjà maintenant, ils s’énervent parfois quand un cochon ne veut pas avancer ! Mais, si la cadence augmente trop ! Tu sais, heu. (… )
Les cochons sont intelligents mais ils ont l’intelligence qu’on leur permet d’avoir. C’est comme les humains, moins on les éduque, au plus simple c’est de les diriger. Regarde ma truie noire, Zwette, elle réagit à son prénom. Si j’avais pu m’en occuper plus, elle m’aurait suivi partout comme un petit chien.
On doit essayer d’éviter la politique de ’la viande, c’est de la viande’. Une bête, c’est une bête et il ne faut pas la tuer inutilement. Nous ne jetons rien. Tout est retravaillé, valorisé. Nous essayons de gérer le mieux possible. Certaines sociétés jettent de la viande après avoir tué des bêtes, c’est un manque de respect pour la bête, quoi ! »