Vu(es) du quartier : Uzance: « Heyvaert »

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Ce mois d’avril 2016 a vu la publication d’un numéro d’ « Uzance »  consacré au quartier Heyvaert – du nom de la rue qui relie les abattoirs et la Ville de Bruxelles à travers Anderlecht-Cureghem et Molenbeek. Cinq analyses, cinq vues à la croisée de l’ethnologie, la sociologie, la géographie et l’histoire.

« Pendant une grande partie des années 1990, une arcade « Bienvenue Anderlecht Welkom» a trôné à l’entrée de la rue Wayez, à la limite entre le quartier de Cureghem et le reste du territoire de la commune d’Anderlecht. Cureghem se trouvait ainsi symboliquement exclu du territoire communal. Cette anecdote n’est pas anodine. Elle souligne le statut particulier de ce territoire : quartier d’immigration, quartier de bouchers, puis de commerces de voitures d’occasion, portion de territoire séparée du reste de la commune par la présence du canal… Après avoir été au cœur des ambitions industrielles de Bruxelles, Cureghem est devenu un lieu de relégation, mais aussi de mobilités et d’ancrages : « on y atterrit quand on n’a pas le choix et on repart quand on va mieux »1. Pourtant, ce territoire semble aujourd’hui rattrapé par l’accélération du rythme des transformations urbaines prenant place dans les quartiers centraux des agglomérations. Multiplication de grands projets d’urbanisme, diversification des mouvements migratoires, creusement des inégalités sociales, émergence de nouvelles formes de ségrégation spatiale…, toutes ces tendances, et bien d’autres encore, remodèlent en profondeur les centres-villes et y soulèvent quantité d’enjeux sociaux, économiques et politiques.

(…) Ainsi, les articles se penchent sur ce qui fait ancrage pour les habitants de ces quartiers en tension (M. Chabrol et C. Rozenholc, Rester au centre-ville : ce(ux) qui résiste(nt) à la gentrification), sur les modes de cohabitation entre populations et activités diverses (E. Lénel : Vivre au milieu des voitures. Ressorts et tensions socio-spatiales d’une alliance de propriétaires pour un quartier habitable), sur les fonctionnements de l’économie des voitures d’occasion (M. Rosenfeld et M. Van Criekingen : Gentrification vs. place marchande : présent et devenir d’une centralité commerciale euro-africaine d’exportation de véhicules d’occasion), sur l’évolution des dispositifs de rénovation urbaine dans cette partie de la ville (M. Sacco : Heyvaert au prisme des Contrats de quartier : du commercial au résidentiel), et enfin sur le rôle central de l’abattoir d’Anderlecht et du marché qu’il accueille (C. Sénéchal : L’abattoir d’Anderlecht : les trois vies d’une exception urbaine).

En partant ainsi de l’existant, des modes d’habiter et des cohabitations, des activités économiques et commerciales en activité, les textes de ce numéro cherchent à mettre à distance les visions canoniques d’une métropolisation avançant sur les quartiers populaires à la manière d’un rouleau compresseur. Peut-être ne faut-il pas trop vite « régler le compte » de ces quartiers, même s’ils sont localisés sur des lieux désormais très prisés par des acteurs dominants. De fait, des formes de résistance existent et se font jour dans ces quartiers en transformation. »

(Extraits de Bienvenue à Heyvaert, introduction, par M. Rosenfeld et M. Van Criekingen)

 

« Regards sur le travail »… dans les abattoirs

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Deux films et un débat, le dimanche 24 avril 2016, dès 18h au Cinéma Nova.

Dans le cadre de la 18e édition de Regards sur le travail – des rencontres pour alimenter débats et en films la question du travail et de ses représentations dans le cinéma documentaire  – Le P’tit ciné, le Cinéma Nova et Forum Abattoir, proposent une fin d’après midi et une soirée de films et débats sur le travail dans les abattoirs. Cela se passe au Cinéma Nova, 3 rue d’Arenberg, 1000 Bruxelles, dès 18h.

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Dimanche 24 avril à 18h [tarif : 3,5€ / 2,5€]

« Entrée du personnel »

un film de Manuela Frésil, 2011, France, video, vo st en, 59′

Projection suivie d’un débat sur la représentation de l’abattage animal au cinéma. Pour en débattre avec nous : la réalisatrice Manuela Frésil, un travailleur des abattoirs d’Anderlecht et Anne-Elène Delavigne, ethnologue (CNRS – Museum national d’histoire naturelle, France), qui, depuis de nombreuses années mène des travaux sur les représentations sociales et artistiques des métiers de la viande.

Il existe différents types d’abattoirs et différentes manières de filmer ce qui s’y passe. Quelques années après avoir réalisé “Si loin des bêtes”, un documentaire sur l’élevage porcin industriel, la cinéaste et philosophe Manuela Frésil a choisi de poser sa caméra dans un abattoir industriel, pour s’intéresser aux conditions de travail des ouvriers et à leur rapport à la mort. Un lieu caché, loin de tout, au bout d’une zone industrielle, où le travail commence dans l’obscurité de la nuit. Des bruits et des odeurs de mort. Une cadence soutenue. Des gestes répétitifs dictés par la mécanisation des chaînes de découpe ou d’emballage de la viande. Des exigences croissantes de productivité. La situation absurde d’une surproduction dictée par les délocalisations et les pressions de la grande distribution. Des douleurs physiques, des articulations qui lâchent et des nerfs qui craquent. L’usure bien avant l’âge de la retraite. La crainte du licenciement. Des témoignages et des récits de vie de travailleurs à la recherche d’une “vie normale”, s’étonnant parfois d’effectuer encore ce travail dans lequel ils pensaient ne faire qu’un court passage. Et les questionnements de la réalisatrice, qui parvient avec brio à contourner l’apparente impossibilité de montrer ce travail et ses conséquences sur les ouvriers.


DANS MA TETE UN ROND-POINT - 2

Dimanche 24 avril à 21h [tarif : 5€ / 3,5€]

« Dans ma tête un rond point »

un film de Hassen Ferhani, 2015, Algérie, HD, vo st fr, 100′

« Réalisateur ancré dans son territoire, Hassen Ferhani a longuement filmé Alger. Dans ses courts métrages documentaires, il a arpenté la ville. Et ici, s’est installé dans un lieu pour n’en plus sortir, un abattoir en pleine ville. Mais de la fonction d’un abattoir, Hassen Ferhani montre peu, à peine quelques bêtes écorchées aux détours d’un cadre, un taureau fougueux et résistant qui ne veut pas avancer ou un chat détrousseur d’intestins… Ce qu’il capte, longuement, dans des plans le plus souvent fixes ou portés par une tranquille lenteur, ce sont les espaces alentours, la cour, une rue, un terrain vague ou des locaux immenses, vides, suspendus à la fonction qui les attend. En laissant les bêtes hors champ, Ferhani s’éloigne délibérément de la mécanique du travail. Dans ces moments suspendus, il va recueillir la parole de quelques hommes, leurs liens, leurs rêves, leurs souffrances, loin des fonctions qu’ils occupent dans ces lieux. Dans ce huis-clos lent et tendre, qui s’offre des échappées presque oniriques, l’abattoir devient l’espace à partir duquel, au loin, se dessine un pays, la scène close que seul les liens d’amitiés et l’imaginaire ouvrent à l’ailleurs et aux possibles, l’espace que des hommes, coincés dans leur dure vie de labeur, franchissent en rêvant, désirant, partageant. »

Paroles d’abatteurs Paroles d’éleveurs

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Au printemps 2015, des étudiants du cours d’Ethologie et société de Vinciane Despret nous accompagnaient dans les locaux de repos des ouvriers d’abattage des bovins, ABACO.  Cette rencontre, la visite d’un autre abattoir et la discussion avec des éleveurs ont construit un petit document sonore de 11′ tout en sensibilité et en questionnement.

Ecoutez Morad, Dany, Jean-Claude, Nordin et les autres parler de leur métier, de leur rapport à l’animal et à la mort.


Travail réalisé par Ema Alvarez Rodriguez, Luca Fiamingo, Judith Lanjouere, Juliette Simon Juliette & Sofia Stimmatini.

Cette rencontre a aussi nourri l’article « Ces hommes qui tuent pour nous » publié dans l’Abattoir illustré.