Au marché des abattoirs, il y a les cris « Vitamine, vitamine », le fracas des hachoirs dans la halle aux viandes, les couleurs des fruits, des légumes, des tissus africains, des tapis et des montagnes de vêtements à 2 euros autour desquelles se bousculent des dames à la recherche d’une belle pièce. Il y a aussi la cohue, les caddies multicolores surchargés, les poussettes garnies alourdies par le poids des sacs de commissions, les petits enfants que l’on tire par la main. Au marché des abattoirs, il n’y a pas d’allées carrelées et éclairées aux néons.
Pas moyen non plus de trouver des plats traiteurs à emporter. Ici, les gens viennent chercher de quoi cuisiner et remplir leur surgélateur.
Chaque week-end, plus de 100 000 personnes se rendent au marché généraliste des abattoirs. Ils viennent majoritairement d’Anderlecht, de Molenbeek, de Bruxelles-Ville, de Laeken. L’activité gagne en intensité du vendredi au dimanche. Mohamed, employé de l’abattoir, a remarqué récemment une baisse de la fréquentation au fur et à mesure que le mois avance : « C’est la crise ». Ici, les gens viennent faire le plein quand ils « touchent ».
Pas cher, pas cher
Interrogés sur leurs motivations à se rendre au marché des abattoirs, les gens répondent : « c’est pas cher », « on trouve de tout », « c’est près de chez moi », « avec le métro, c’est facile ». Si quelques-uns ont leurs habitudes chez un marchand en particulier, la plupart préfèrent circuler dans les allées à la recherche d’un produit pas cher et de qualité. Ils palpent, comparent, goûtent à l’occasion et choisissent.
Les emplacements se louent au mètre et à l’année à des vendeurs de toutes tailles. Certains, surtout parmi les détaillants de textiles et les maraîchers, en ont plusieurs et délèguent la vente à des employés. Le matin même, ils montent leurs échoppes sous des tonnelles ou des structures tubulaires qu’ils recouvrent de bâches multicolores. Les marchandises sont exposées à même les caisses de transport retournées. L’investissement est minimal et cela n’est pas sans impact sur les prix de vente.
Tohu Bohu
Les habitants du quartier sont à la fois les premiers intéressés et les premiers embarrassés par la présence de cet énorme marché, doublé par le marché du Midi du dimanche. Les sacs plastiques, malgré les gros efforts de la société Abattoir, vont encore garnir les branches des arbres 1. Des gens abandonnent ça et là des cageots. Mais vu l’affluence, est-ce possible d’empêcher toute nuisance ? Les habitants se plaignent surtout des dépôts clandestins continus, des encombrements de trottoirs imputables, apparemment, à un manque de coordination des services propretés communaux et régionaux 2… Les habitants se plaignent également du trafic automobile, du parking sauvage et de l’engorgement de la station de métro Clemenceau. Quelles solutions la Commune et la STIB peuvent-elles fournir ?
Il est 15 heure, les ventes se terminent au marché des abattoirs. Les « glaneurs » récupèrent des cageots entiers de légumes pour quelques pièces. Les échoppiers démontent, le service nettoyage de la société va bientôt arriver avec ses camions et ses balayeurs. Deux-trois bonnes heures durant, ils feront place nette pour accueillir le marché du lendemain. Les mouettes, les pigeons, les corbeaux et les moineaux picorent les restes entre les pavés. Est-ce la nature en action ou un problème d’hygiène ?
- La société Abattoir compte interdire les emballages de sacs plastiques courant 2015-2016. ↩
- Les services de nettoyage se renvoient la responsabilité : Bruxelles Propreté est responsable du ramassage des restes laissés par les commerçants et des sacs blancs. La Commune, des poubelles de rues. Abattoir a engagé une entreprise privée qui ratisse les rues après le marché. ↩